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Islam: peut-on caricaturer Mahomet ?

Les faits

Le 30 septembre, le quotidien danois Jyllands Posten publiait les dessins satiriques de douze illustrateurs qui avaient répondu à son appel à travailler sur le thème : « Les visages de Mahomet ». Le journal voulait tester le degré d’autocensure des artistes sur l’islam.

Peu à peu, l’affaire a pris un tour diplomatique, le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, refusant de recevoir les ambassadeurs de onze pays musulmans en poste à Copenhague qui entendaient exposer leurs griefs sur cette publication jugée insultante.

Après une ultime protestation des ministres des Affaires étrangères de plusieurs pays de la Ligue arabe, réunis au Caire le 29 décembre, le gouvernement danois et la Ligue arabe ont souhaité, le 5 janvier, mettre fin à la controverse qui menaçait de s’envenimer.

L’analyse

La plupart des douze caricatures publiées par le Jyllands Posten, quotidien le plus diffusé du Danemark, ne brillent pas vraiment par leur finesse. Un dessin représente ainsi le Prophète coiffé d’un turban d’où émerge une mèche allumée, comme celle d’une bombe. Un autre le montre comme un vieillard hirsute et agressif, les yeux masqués, armé d’un poignard, entouré de deux femmes en burqa dont on ne distingue justement que les yeux.

Toutefois, l’un des douze dessinateurs, Lars Refn, a envoyé un dessin où l’on voit un écolier prénommé Mohammed devant un tableau noir sur lequel est écrit en persan que « les journalistes du Jyllands Posten sont une bande de provocateurs réactionnaires ».

Le quotidien conservateur avait lancé son appel aux dessinateurs à portraiturer Mahomet après qu’un écrivain déjà connu pour ses positions tranchées sur les musulmans au Danemark, Kåre Bluitgen, s’était plaint de ne pas trouver d’illustrateur pour un de ses livres, destiné aux enfants, sur la vie du Prophète.

Les réactions à la publication des caricatures ne se sont pas fait attendre. Plusieurs organisations musulmanes danoises ont exigé des excuses de la part du journal, lequel, arguant de la liberté de la presse, a refusé. Certains des dessinateurs, menacés de mort, ont été mis sous protection policière. Le refus du Premier ministre de recevoir les ambassadeurs de onze pays musulmans n’a pas contribué à calmer les esprits. L’affaire est même remontée jusqu’à la Ligue arabe et au Haut Commissariat des Nations-Unies pour les droits humains !

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la violence de la polémique. D’abord la volonté évidente du Jyllands Posten de jouer la provocation. Dans un contexte national très délicat, où l’extrême droite danoise a atteint plus de 13 % des suffrages aux élections législatives de février et où le débat public sur l’islam peut atteindre des niveaux de radicalité impressionnants, la publication de ces dessins allait forcément susciter la polémique.

Pour le quotidien chrétien Kristeligt Dagblad, les responsables du Jyllands Posten se sont comportés « comme des écoliers qui écrivent “con” au tableau pour voir ce que dira la maîtresse ». La simple représentation imagée du Prophète pose question pour la religion musulmane, bien que des images de Mahomet existent, particulièrement dans l’aire culturelle persane. Plus généralement, la question des images demeure un sujet débattu chez les religieux musulmans, certains les refusant en bloc, d’autres limitant les interdictions à certains types de représentations dans un souci d’éviter l’idolâtrie.

La confusion a cependant atteint son comble dans cette affaire. En effet, on ne voit pas pourquoi un journal danois qui n’a rien de musulman devrait se conformer à des interdits religieux. La liberté de la presse vis-à-vis des pouvoirs politiques et religieux demeure un principe fondamental du système démocratique qui ne saurait être remis en cause. Mais le caractère outrancier des caricatures incriminées pose évidemment question.

Apparemment, il n’est pas donné à tout le monde d’être « bête et méchant » avec talent. L’affaire des caricatures du Jyllands Posten témoigne avant tout de la pauvreté intellectuelle de certaines interventions dans le débat public sur l’islam. Et si les menaces proférées contre le Jyllands Posten sont évidemment inacceptables, rien n’empêche de voir dans cette affaire un parfait exemple de concours de bêtise.

Jérôme Anciberro
dans Témoignage Chrétien

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