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Youssef Mansouri : «Je me sens trahi par la France»

Youssef Mansouri : Côté moral, je me retrouve très, très bas. Je me sens trahi par la France, cette France même qui m’a permis de créer mon entreprise. Je croyais que c’était un Etat de droit, il s’est trouvé qu’une seule personne, le préfet de Nantes, a joué un peu avec la procédure sans vouloir s’approfondir sur mon dossier. Ce qui est malheureux, c’est que j’ai un crédit de 300 euros à payer par mois, et que ma copine et moi allons être séparés. Et puis, l’entreprise, que j’ai créée à Nantes, au prix d’énormes sacrifices, risque maintenant de couler et les employés de se trouver au chômage.

Comptez-vous, alors, faire appel de la décision de votre expulsion ?
J’ai déjà fait appel de la décision du préfet, Fabien Sudy, mais ce dernier a préféré me renvoyer avant même que la Cour d’appel ne statue sur mon dossier. Je suis maintenant dans mon pays, où j’attends cette décision. Pour le moment, je garde espoir. Je préfère ne pas penser au pire, ni prendre une décision à chaud, surtout après les émotions qui se sont accumulées sur les 15 jours qui se sont écoulés depuis mon interpellation. Je suis sûr que si je prends une décision maintenant, ce sera la mauvaise.

S’agissant de la procédure de votre expulsion, comment s’est-elle déroulée ?
Dans un premier temps, la police de l’air et des frontières (PAF) devait me prévenir 24 heures à l’avance. Ce qui n’a pas été fait. On est venu me chercher, mercredi dernier à 7h30, au centre de rétention de Nantes ; c’étaient trois policiers, habillés en civil. Ils ne m’ont pas précisé qu’ils avaient le laisser-passer du consulat, ils ne m’ont pas non plus proposé de le signer. Plus encore, ils ne m’ont dit ni l’heure ni le lieu de notre direction. Ils m’ont même privé d’appeler mon avocat, me permettant de prendre contact uniquement avec ma copine. On m’a embarqué à bord d’une voiture banalisée, en direction de Bordeaux, Marseille, et puis finalement Sète. A mon arrivée là-bas, il n’y avait pas d’autorités marocaines, seulement des agents de sécurité de la compagnie maritime qui m’ont mis directement dans une cellule. C’était une garde-à-vue sans vue. Je suis resté cinq heures dans la cellule du bateau, à côté des moteurs. Il faisait vraiment très chaud, il n’y avait personne pour m’aider à récupérer mes médicaments (Ventoline), sachant que je suis asthmatique. Ce fut le désespoir total. Après la traversée, un agent de sécurité est venu me voir. Je lui ai dit : «C’est vraiment grave, j’aurais pu mourir». «Ce n’est pas de notre responsabilité», m’a-t-il répondu, ajoutant, d’un ton grave : «Il y a déjà eu déjà des morts ici».

Pendant que vous étiez en France, pourquoi vous n’avez pas régularisé votre situation ? Que répondez-vous à la préfecture de Nantes qui vous reproche de ne pas avoir fait de démarches pour renouveler votre carte de séjour ?
C’est faux, archi-faux. J’ai fait cette démarche au mois de mars 2006, mais la préfecture a refusé la délivrance de ma carte de séjour. Et puis, les raisons avancées pour expliquer ce refus étaient bidon. On m’a dit que je n’avais pas d’attaches familiales en France, considérant que toute ma famille est au Maroc, mais oubliant que j’ai tout de même pu monter une entreprise, créer des emplois en France. Lors des mémorables émeutes dans les banlieues parisiennes, j’étais intervenu auprès des jeunes révoltés pour essayer de calmer les esprits en donnant l’exemple que, même en étant jeune, on peut s’en sortir. Finalement, j’ai eu tort, on ne peut pas y arriver, quand bien même on aurait le courage, la hargne et la rage de réussir. Après ce qui s’est passé, je voudrais savoir ce que penserait, maintenant, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, de son fameux concept de «discrimination positive», «d’immigration choisie»… Avant d’être expulsé, je l’ai saisi par lettre, accompagnée de pétitions. Il m’a certes répondu, mais ce n’est qu’après mon renvoi.

Maintenant que vous êtes au Maroc, que comptez-vous faire ?
Je vais essayer de trouver le moyen de vendre mes parts dans l’entreprise qui sont de 50 %, et puis je vais essayer d’étudier le marché marocain, chercher des partenaires financiers pour monter un projet dans mon propre pays qui le mérite amplement.

Parti en France en 2001 pour des études, vous vous êtes lancé dans les affaires. Comment avez-vous réussi à monter, là-bas, votre propre entreprise ?
Pendant que je faisais des études d’ingénierie en maintenance industrielle, j’ai fait pas mal de petits boulots dont celui de livreur de pizzas. L’entreprise où je travaillais allait très mal. J’ai donc décidé de racheter le fonds de commerce avec d’anciens collègues à moi. J’ai pris un crédit, mes associés, eux, m’ont envoyé de l’argent. Au début, c’était très difficile, vu la concurrence et les exigences du marché français, mais avec un peu d’ambition et les techniques de management que j’ai appris durant mes études, j’ai fini par relever le défi.

Par : M’Hamed Hamrouch
Aujourdhui.ma

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