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Chute du pionnier du clonage humain

«Avec des amis comme ça, on n’a pas besoin d’ennemis.» C’est le sentiment pénible qui agite les défenseurs du clonage thérapeutique contemplant, médusés, la descente aux enfers de leur ex-allié, le Sud-Coréen Hwang Woo-suk. Créateur du premier clone d’embryon humain et des premières lignées de cellules souches dérivées, le professeur de l’Université de Séoul avait admis en novembre avoir commis une double faute, au plan moral, durant ces travaux, et avait démissionné. Accusé par ses plus proches collaborateurs d’avoir falsifié des résultats qui lui avaient valu, pendant deux ans, la reconnaissance de la communauté scientifique et le statut de héros national, Hwang a demandé vendredi le retrait de l’une de ses deux publications majeures.

Hwang l’avait pourtant cherchée, la gloire. Vétérinaire de formation, pionnier en son pays du clonage animal, c’est devant vingt chaînes de télé, à Seattle, lors du meeting de l’Association américaine pour le progrès de la science, l’AAAS, qu’il annonce, en février 2004, avoir obtenu une lignée de cellules souches dérivée d’un embryon créé par clonage. Le travail est publié le même jour dans Science, la revue de l’AAAS. Choc et débats urbi et orbi. La création d’embryons humains par clonage, fût-ce à des seules fins scientifiques, est interdite dans de nombreux pays, dont la France et les Etats-Unis. Pourtant, selon ses défenseurs, la technique serait pleine de promesses pour la thérapie cellulaire. Les cellules souches embryonnaires étant les mères de tous les types cellulaires, elles pourraient être greffées à des patients pour régénérer leur tissu lésé, et sans provoquer de rejet, à condition qu’elles proviennent d’embryons «clones» du patient.

Soupçons. En mai 2004, un nuage. La revue britannique Nature rapporte qu’une chercheuse de l’équipe de Hwang, cosignataire de l’article, a donné de ses propres ovocytes (ovules) pour ce travail. Une autre collègue aurait fait de même. Les travaux sur le clonage consomment, il est vrai, beaucoup d’ovules. Pour obtenir cet embryon de clone, Hwang avait déclaré en avoir utilisé 242. Mais ils avaient été fournis par 18 femmes, assurait-il, sans pression morale ou financière. Une jeune post-doc est-elle libre face au mandarin d’une équipe de 125 personnes ? Faute déontologique ? Le soupçon enfle. Mais la jeune femme invoque un problème de traduction. «Lost in translation», l’accusation… D’autant que Hwang publie le 20 mai 2005 un nouveau résultat, plus formidable, cosigné avec un chercheur de Pittsburgh, expert en clonage de singes, Gerald Schatten. Il présente, photo à l’appui, onze lignées de cellules souches dérivées de onze embryons obtenus par clonage. Le travail n’a consommé «que» 182 ovules. Le clonage devient aussi facile chez l’homme que chez la vache, son application thérapeutique se rapproche. En octobre, c’est la consécration : Séoul annonce une banque internationale de cellules souches embryonnaires au service de la recherche internationale, dirigée par Hwang.

Chèques. Et en novembre, c’est le début de la fin. Le plus proche collaborateur de Hwang, Roh Sung-il, directeur de l’hôpital qui fournit l’équipe en ovocytes, affirme avoir remis à des donneuses un chèque de 1 445 dollars. Schatten rompt alors ses relations avec Hwang, s’estimant trompé. Le 24 novembre, Hwang reconnaît les faits et démissionne. Il n’a enfreint aucune loi ­ l’achat d’ovocyte n’a été interdit qu’en 2005 en Corée ­, mais il a commis une faute déontologique doublée d’un mensonge. La véracité scientifique de son travail est alors questionnée. Le 4 décembre, Hwang avoue qu’il y a eu une erreur dans les photos supposées illustrer les onze lignées de cellules souches. Jeudi, Roh Sung-il a affirmé à la presse sud-coréenne que neuf des lignées de cellules n’existaient pas. Vendredi, Hwang a demandé à Science de «retirer» son article, arguant des «dommages irréparables» causés par les erreurs de publication affectant les photos.

Source : Liberation FR

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