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Mohamed El Guerbouzi : L’éventreur de Londres ?

El Guerbouzi serait-il un autre Jamal Zougam, dont le nom a été le premier sorti des tiroirs de la police pour trouver un coupable ? Possible. Et les raisons pour l’affirmer sont multiples. D’abord, c’était un homme connu des services anglais. On le connaissait d’autant bien qu’il avait lui-même demandé leur protection par crainte des services marocains . C’était une feinte bien étudiée de la part de l’ex-habitué de l’Afghanistan qui déjouait ainsi les manœuvres marocaines pour mettre la main sur un homme considéré comme très dangereux. Ensuite, il était condamné à 20 ans de prison par contumace au Maroc au lendemain des attentats du 16 mai 2003. Le gouvernement marocain attendait son extradition. Chose qui n’a jamais eu lieu. Mieux encore, le même El Guerbouzi s’étalait sur les colonnes d’Al Hayat en défiant les Marocains d’apporter une seule preuve de son lien avec le 16 mai . Aussi, El Guerbouzi avait été demandé par l’Espagne après sa désignation comme l’un des artificiers du 11 mars madrilène. Pourtant, les services de sécurité britanniques l’ont laissé libre jusqu’à sa fuite ou sa disparition. Il est légitime de se demander pourquoi la police anglaise ne l’avait pas arrêté. On parlait alors de manques de preuves, d’incertitudes. Pourtant, au lendemain des attaques de Londres, c’est son nom qui fait la Une de plusieurs journaux anglais et européens. Y a-t-il donc des preuves qui viennent de faire leur apparition dans l’épineux dossier El Guerbouzi ? Ou serait-ce un réflexe premier pour encercler le premier gros poisson que l’on avait sous la main ? Dans un sens, l’hypothèse d’une précipitation peut être la plus proche de la réalité du terrain. Mieux vaut traquer un visage connu qu’une ombre sur les tablettes des groupes terroristes en Europe.
Filière marocaine, trajectoire occidentale
El Guerbouzi vit à Londres depuis de longues années, il avait été l’un des premiers Marocains à fouler le sol afghan, on le dit instigateur de la formation du GICM lors d’une fameuse réunion à Istanbul…Un profil adéquat pour servir un portrait fiable à la population anglaise. Pour en avoir le cœur net, il faut donc attendre les prochains jours et la suite des investigations. Ceci dit, il faut revenir un peu sur la trajectoire occidentale de tous ces Marocains que l’on dit affiliés aux réseaux d’Al Qaïda.
Au cas où la mémoire serait courte, les Moussaoui, Moutassadeq, Bahaji, El Guerbouzi, Houssaïni, El Azizi, les Benyaïch, les Mansour, les Berraj… bref tous les Marocains de la filière milanaise, belge ou hollandaise, sont tous issus de l’émigration. Et ce, depuis des générations. L’Europe ne devrait-elle pas faire son auto-analyse pour voir ce qui grince, bloque et obscurcit la vision face à des jeunes nourris de sa culture qui finissent par se révolter et virer de bord ? Sur ce volet, Londres comme Berlin, Paris ou Madrid semblent vouloir s’arranger avec les événements et oublier que ceux qui font aujourd’hui l’objet de soupçons ou de graves accusations ont été formés, recrutés, approchés, financés sur leurs sols. On semble très vite balayer d’un revers de la main que c’est de ces filières que sont partis les financements destinés à commettre les attentats au Yémen et d’autres frappes en Asie, en Hollande, aux USA, en Espagne et aujourd’hui à Londres. On oublie également que ces filières ne sont pas nées il y a quatre ans avec le 11 septembre, mais existaient au moins depuis le début des années 1990, avec Londres et Frankfurt comme principales plaques tournantes de l’embrigadement et de la logistique d’expédition de milliers de volontaires, via des camps d’entraînement en Afghanistan et dans des medersas en Pakistan. C’est de là aussi que sont partis les jihadistes pour la Bosnie, la Tchétchénie ou le Dagestan, l’Irak et le Yémen. Pour rappel, Abou Qatada al Phalistini a son QG à Londres, les mosquées de Finsbury et de Regent Park ont eu leur lot de prosélytisme. Abou Hamza Al Masri, l’imam écroué ou encore Omar Sheick, le présumé assassin de Daniel Pearl, ont connu de beaux jours sous le brouillard de Londres. C’est ce que l’on appelle un produit local avec marque de fabrication estampillée sur place. Dans un sens ce sont les pays arabes comme le Maroc qui payent le retour sanglant de ces enfants élevés ailleurs, sous d’autres cieux.
Il n’y a pas à proprement dire de filière marocaine. Il y a des Marocains portant des nationalités étrangères, qui ont vécu à l’étranger, qui font partie de plusieurs cellules toutes formées en Europe, qui se sont structurées militairement comme une franchise d’Al Qaïda, qui frappe et exécute à son compte, parfois même avec contrepartie (comme dans l’accord passé entre Al Zarkaoui qui veut en finir avec le Royaume Hachémite et Ben Laden qui lui ouvre les vannes de l’argent). Plus encore, il faut savoir que pour les hommes d’Al Qaïda, il n’y a plus de patrie, plus de vie passée, plus d’origine, mais juste une obédience à toute épreuve qui les mène dans le cas des Marocains à frapper leur propre pays pour démontrer leur loyauté et leur déterminisme.
Les années londoniennes d’El Guerbouzi
Mohamed El Guerbouzi a élu domicile à Londres depuis quelques années où il a eu des contacts avec un personnage célèbre comme Abou Qatada, arrêté depuis plusieurs mois par les autorités britanniques pour propagande terroriste. Avant d’aller plus loin dans l’analyse des liens entre groupes et groupuscules en Europe, rappelons quelques évidences qui peuvent nous aider à cerner ce groupe. Abou Qatada est en fait le chef spirituel d’Al Qaïda ou de sa franchise, de sa succursale, ou de sa devanture en Europe. C’est un allié très intime de Imad Eddine Barakat Yarkas, connu sous le nom d’Abou Dahdah, lui-même gérant attitré de la franchise espagnole de la même maison mère qui, elle, est dirigée en haut lieu, sur les hautes montagnes entre l’Afghanistan et le Pakistan, par Oussama Ben Laden, ce qu’il en reste ou alors Ayman Zawahiri sinon le nouvel homme fort de la nébuleuse, le Jordanien Abou Moussab Al Zarkaoui. Comme on l’a dit, Mohamed El Guerbouzi, quant à lui, est un ami très proche du même Abou Qatada. Il serait déjà entré en contact avec Abou Dahdah et d’autres chefs de cellules européennes comme Ben Khmais, l’Algérien tombé à Milan ou encore Tarek Maâroufi, le ponte islamiste de Bruxelles. Aurait-il connu les autres Marocains impliqués dans les trois attentats des 11 septembre 2001, 16 mai 2003 et 11 mars 2004 ? La réponse est très simple. Oui, il les a connus, ils l’ont pour la plupart rencontré au moins une fois à Londres ou au Maroc. A-t-il connu les frères Benyaïch, Saâd Houssaïni, Karim El Mejjati, Driss Chebli, Abdellatif Mourafiq, Amer El Azizi et les autres ? Oui et c’était lors d’une rencontre au sommet en Turquie où il a été nommé chef de cellule et chef de la commission militaire qui devait prendre en charge la région du Maghreb. La décision de frapper le Maroc a été prise par le premier cercle d’Al Qaïda, lors d’une réunion qui s’est tenue en Afghanistan d’abord avant de déléguer à une sous-commission qui a tenu son quartier général pendant quelques jours en Turquie. C’est après ces réunions que le chef d’Al Qaïda, Oussama Ben Laden, a ordonné la constitution de deux factions militaires . D’un côté le GICL (le groupe islamiste des combattants de Libye), de l’autre, le GICM ( le groupe islamiste des combattants du Maroc). C’est aussi lors de cette réunion que le choix de Ben Laden et de ses hommes s’est porté sur deux personnes qui ont été chargées de diriger ces opérations: Abou Moussab Al Zarkaoui, le Jordanien proche de Ben Laden, et Mohamed El Guerbouzi, un Franco-marocain, domicilié à Londres.
Autre fait très important dans le parcours de l’homme ciblé aujourd’hui par Scotland Yard, c’est que El Guerbouzi, qui est demandé par la police marocaine dans l’enquête sur les attentats terroristes de Casablanca et condamné à 20 ans de prison (il faut encore le souligner), a pris la fuite de son domicile en 2004 pour prendre refuge quelque part en Grande-Bretagne avec sa femme et ses enfants. On sait aussi, selon plusieurs sources policières en Europe, que des inspecteurs de la police espagnole auraient informé Scotland Yard que El Guerbouzi était en contact étroit avec Jamal Zougam, le principal suspect dans les attentats de Madrid. Mais d’autres sources détaillent que c’est le même El Guerbouzi qui aurait sollicité la protection de la police britannique sous prétexte qu’il était pisté et menacé par les services marocains et espagnols. Une autre source nous dira que les autorités britanniques l’ont mis au vert pour attendre le dénouement des enquêtes en Espagne et ailleurs pour voir si son implication est effective, comme le disent les services de police marocains, ou non. Quelle que soit la réalité qui se cache derrière toutes ces versions, El Guerbouzi se tenait “caché” selon le quotidien britannique The Times avec sa famille au nord de Londres.
Pourtant, on ne peut pas ne pas demander au gouvernement britannique pourquoi il n’a pas arrêté le Marocain malgré le fait qu’il serait l’un des suspects dans les attentats de Madrid et de Casablanca ? La réponse d’El Guerbouzi était la fuite ou la disparition depuis au moins un an. Serait-il passé en France comme le disent certaines sources françaises ? Ou alors a-t-il repris le chemin d’Islamabad ?

source:lagazettedumaroc

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