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L’Irak a relancé la logique du combat total contre l’Occident

Ne trouvez-vous pas que l’enquête progresse lentement, par rapport à celle des policiers espagnols ?

L’enquête est ardue car la police dispose de peu d’éléments matériels. Le tunnel du métro épouse la forme du train, il est à voie unique, difficile d’accès. Pour l’heure, on sait que les charges n’étaient pas lourdes mais puissantes. On a constaté chez les victimes beaucoup de lésions aux membres inférieurs, ce qui indique que les explosifs ont été abandonnés par terre, peut-être sous les sièges. La nature des explosifs paraît militaire, ce qui est très inquiétant. On a plus l’habitude de cellules confectionnant des explosifs artisanaux à base de substance chimique. Comment ont-ils pu se les procurer ? Soit ils ont été approvisionnés par des trafics en provenance par exemple des Balkans, soit ils ont bénéficié de complicités pour sortir les explosifs d’une enceinte militaire.

En revanche, pas de trace d’éléments de type NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique)…

Non. Mais ça reste une menace réelle. On sait qu’ont circulé en Europe des substances toxiques comme la ricine ou des substances chimiques comme le cyanure. N’oublions pas aussi que des expérimentations ont été conduites en Afghanistan, dans les gorges du Pankissi en Géorgie et dans le Nord-Est irakien.

Que peut-on supposer de l’identité des auteurs ?
Le modus operandi de ces attentats de Londres fait naturellement penser à ceux de Madrid. Ils ont réclamé beaucoup de repérages et de préparation, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Le sommet du G8 a pu fournir une occasion symbolique. Mais on peut aussi penser aux attentats de 1995 et 1996 à Paris, aux stations Saint-Michel et Port-Royal. A partir du moment où la police dispose de peu d’éléments, elle doit s’intéresser à trois communautés présentes sur le sol britannique : les Moyen-Orientaux (du Yémen et d’Arabie saoudite), les Pakistanais et les Nord-Africains (Algériens, Marocains et Tunisiens). Aucune piste n’est à négliger.

La piste marocaine a été immédiatement évoquée en Grande-Bretagne…
Mohamed Al-Guerbouzi, un des fondateurs du Groupe islamique combattant marocain (GICM), était dans le collimateur depuis longtemps, puisqu’un mandat d’arrêt international a été émis contre lui par le Maroc. Mais aucun élément ne permet pour l’instant de l’incriminer. Le GICM s’est constitué à la fin des années 1990 autour de Marocains vétérans de Bosnie et d’Afghanistan, où ils ont séjourné dans des camps d’entraînement. Leur but était d’importer le djihad au Maroc. Puis un basculement s’est opéré. A l’automne 2001, l’offensive américaine en Afghanistan les a poussés à créer des cellules clandestines en Europe. Elles s’organisent dans la clandestinité pour recueillir les membres en fuite, soutenir les familles des martyrs, préparer des opérations. Des membres du GICM ont été arrêtés en France. Certains se trouvent encore en liberté et sont potentiellement dangereux.

Les services français, eux, semblent surtout craindre le rapprochement entre les salafistes algériens du GSPC et Al-Qaida…

On a effectivement établi qu’il y a eu des échanges de courrier, des communications dans les deux sens, entre Al-Zarkaoui en Irak et la direction du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Le GSPC a demandé l’aide de Zarkaoui. Ils lui ont suggéré d’enlever des Français afin d’obtenir la libération d’un de leurs émirs, Abderrezak le para. On sait que Zarkaoui a légitimé le combat mené par le GSPC au nom d’un islam pur, contre des ennemis communs. On sait aussi que le GSPC a conduit début juin une opération meurtrière en Mauritanie et qu’ils cherchent à se développer sur un plan régional, c’est-à-dire en Afrique subsaharienne, mais aussi en France. Tout souhait d’externalisation du djihad de leur part est susceptible de se concrétiser sur notre territoire.

Les autorités algériennes n’ont-elles pas intérêt à grossir la menace du GSPC ?

Les faits sont les faits. Le GSPC s’est démarqué du GIA, car les membres du GSPC se sont rendu compte que les attaques contre la population civile les discréditaient aux yeux de l’opinion. Mais pour financer leur cause et lui donner une dimension internationale ils s’en sont pris à des touristes européens en 2003 en les enlevant dans le Sahara. La France, qui a toujours été considérée comme une alliée du régime d’Alger, constitue naturellement une cible prioritaire, à partir du moment où ils s’inscrivent dans le djihad mondial.

Quelle est l’importance de l’Irak dans ce djihad mondial, en tant que source de motivation et lieu de formation ?
Mais c’est tout à fait central ! La guerre en Irak a relancé la logique du combat total contre l’Occident. Dans l’histoire récente, a-t-on déjà vu un pays dans lequel des attentats font tous les jours des dizaines de morts, où se développe aussi vite une exaltation du martyre, qui fait basculer les gens dans l’action ? Zarkaoui a décidé de montrer un visage autre que celui de guerrier sanglant en donnant une dimension religieuse à son discours. Du coup, il devient un modèle pour des djihadistes qui rêvent de faire en Europe ce que lui accomplit en Irak.

Au total, une vingtaine de Français sont partis là-bas. Certains ont été tués ou faits prisonniers, d’autres ont disparu ou sont revenus sur notre territoire. Pour toutes ces raisons, il faut bien comprendre que ce qui concerne les Anglais nous concerne aussi directement. On est dans une logique de solidarité totale. Le poète anglais John Donne a écrit : La mort de tout homme me diminue parce que je suis solidaire du genre humain. Ainsi donc n’envoie jamais demander : Pour qui sonne le glas ? Il sonne pour toi.
source:lemonde

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