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Libye : l’angoisse des infirmières bulgares

LE MINISTRE des Affaires étrangères est venu leur apporter sa solidarité. Les infirmières bulgares et le médecin palestinien détenus en Libye lui crient leur désespoir.

«Depuis sept ans nous savons que nous sommes les otages d’une chasse aux sorcières politique. On nous fait des promesses, on nous dit qu’on travaille pour nous, mais il n’y a aucun résultat. Nous ne sommes que des gens ordinaires pris dans une sale histoire», dit en anglais Kristiana Vulcheva, au bord des larmes, à Philippe Douste-Blazy.

La rencontre se déroule dans une petite pièce aux murs nus dans un pavillon neuf construit au milieu de la prison de Tripoli.

Le ministre des Affaires étrangères, en visite éclair en Libye, répète aux prisonniers ce qu’il est venu dire aux autorités. «J’ai présenté à la Libye un plan français dans le cadre de celui de l’Union européenne. J’espère que votre cauchemar touche à sa fin.»

Mais le mauvais rêve dure toujours pour les six prisonniers. La Cour suprême vient d’annuler leur condamnation à mort. Les praticiens étaient accusés d’un crime absurde : avoir volontairement inoculé le sida à plus de 400 enfants de l’hôpital pédiatrique de Benghazi. Des aveux extorqués sous la torture selon une enquête du Conseil de l’Europe qui, avec le reste de la communauté internationale, a dénoncé la recherche par la Libye d’un bouc émissaire face aux manquements de son système de santé. Mais la procédure recommence de zéro et les six praticiens pourraient rester encore de longs mois en prison, sans garantie d’une issue heureuse. Dans la petite pièce de la prison de Tripoli, l’ambiance est tendue. Philippe Douste-Blazy ne peut qu’apporter un soutien moral aux prisonniers. Le seul fait qu’un ministre français ait pu les rencontrer avec plusieurs journalistes est déjà un bon signe. «Je suis heureux qu’on m’ait permis d’être le premier ministre occidental à vous voir», dit-il aux infirmières. Mais sur les chaises en plastique, les visages sont las, les yeux battus, les épaules affaissées. «Nous sommes exténuées. Psychologiquement, nous n’allons pas bien du tout, poursuit Kristiana. Vous avez vu que nous ne sommes que quatre. La cinquième n’a pas pu venir. Elle est malade, épuisée, elle n’a plus de force.»

Un plan européen

Soudain un jeune homme vêtu d’une parka et d’une chemise à carreaux, au collier de barbe bien taillé, aux cheveux noirs plaqués en arrière, au teint cireux, apparaît au milieu des policiers. Les infirmières se jettent à son cou. C’est Ahmed Achraf al-Hadjoudj, le médecin palestinien détenu dans une autre partie de la prison. Lui aussi se montre revendicatif : «Nous sommes des victimes tout comme les enfants contaminés», dit-il au ministre français.

Ces enfants, Philippe Douste-Blazy devaient les visiter dans l’après-midi, à l’hôpital de Benghazi. Le ministre a déclaré souhaiter la libération des infirmières. Mais il a bien dit le matin, à son homologue libyen, Abderrahmane Chalgham, qu’il «n’avait évidemment pas à donner son sentiment sur un jugement» et qu’il «savait bien que les familles avaient le sentiment d’une injustice, et que cette injustice demandait réparation».

Le plan français est un volet du plan européen qui a offert une aide aux enfants contaminés et au système de santé libyen, dans l’espoir d’aider au déblocage de la situation. La France aidera l’hôpital pédiatrique de Benghazi. Elle formera du personnel et fournira du matériel. Douste-Blazy a aussi annoncé son offre de soigner en France les plus atteints des jeunes malades, «vingt, vingt-cinq, trente, trente-cinq, ce sera à eux de décider.» Les hôpitaux parisiens Trousseau, Saint-Antoine, Necker et Robert-Debré recevront les malades. Le groupe hôtelier Accor représenté dans la délégation prendra en charge les familles. La Libye a accueilli favorablement ces propositions. Mais elle s’en tient à la ligne officielle, selon laquelle c’est à la justice de trancher. Parallèlement, des négociations ardues sont toujours en cours entre la Libye, l’Union européenne, la Bulgarie, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis pour trouver, peut-être, un compromis. La création récente d’une ONG bulgare ayant vocation d’indemniser les victimes laisse entrevoir une solution. Mais les discussions achoppent toujours sur les montants à verser. Quant aux malheureux otages, ils ignorent toujours si leur innocence sera reconnue. Le régime carcéral des infirmières s’est amélioré. Mais le ministre parti, les portes de la prison se sont refermées sur leur désespoir.

Lefigaro

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