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La famine menace la Corée du Nord

En attendant, dans les campagnes nord-coréennes, les citadines seront toujours à pied d’oeuvre. On les reconnaît à leur chapeau, à leur visage emmitouflé d’un foulard et aux longues manches de leur chemise : en Corée du Nord comme dans le reste de la région, le teint blanc est un critère de beauté féminine. Or, actuellement, tout le monde ou presque, dans le pays, a le visage bronzé. Depuis fin avril, les citadins sont envoyés aux champs pour le repiquage du riz et le désherbage.

LA MÉCANISATION EST RARE

Cette année, la mobilisation saisonnière a pris une ampleur sans précédent. Tous ceux qui mangent du riz ont été appelés à aller aider les paysans, et l’agriculture est devenue le premier front de la construction du socialisme . Taches de couleur dans le vert tendre des rizières fraîchement repiquées, des milliers de citadins s’affairent, penchés sur le sol. D’autres se passent des pierres à la chaîne pour dégager le lit d’une rivière.

Sur les routes, on croise des cars bondés qui vont vers la campagne ou en reviennent, tandis que, sur les bas-côtés, des groupes de volontaires , assis par terre, attendent d’être affectés à une tâche. Les soldats en maillot de corps, casquette en arrière, sont aussi mobilisés. A proximité des lieux de travail, délimités par des drapeaux rouges, des haut-parleurs perchés sur le toit de camionnettes diffusent sans discontinuer des chants révolutionnaires ou folkloriques. Pendant la période de mobilisation générale, un fonctionnaire est aux champs de deux à trois jours par semaine et un étudiant pendant plusieurs semaines d’affilée.

Ce que l’on peut voir dans un rayon de 150 km autour de Pyongyang est tiré au cordeau : rizières, champs de soja, d’orge, de maïs ou de pommes de terre. Sur les pentes des petites montagnes comme le long des routes, le moindre lopin de terre, le moindre remblai est défriché. La mécanisation est rare. Tout, ou presque, se fait à la main. On pousse, on tire, on ploie sous un fardeau : le transport des fagots, des semences est effectué à dos d’homme et sur des vélos de chaque côté desquels pendent des sacs. Le pompage de l’eau est manuel. L’effort est impressionnant.

Mais, cette année encore, la Corée du Nord enregistrera un déficit de près d’un million de tonnes de céréales. Dans les régions septentrionales, montagneuses et plus pauvres, la situation n’a pas empiré, estiment des membres d’organisations internationales. Mais elle reste précaire, et le moindre facteur climatique négatif peut avoir des conséquences catastrophiques.

Nous entrons dans une période creuse : la récolte précédente est épuisée, et il faut attendre les moissons d’automne. Les conditions sont réunies pour une nouvelle pénurie alimentaire, estime Richard Ragan, directeur du PAM en Corée du Nord. A la suite de catastrophes naturelles entre 1995 et 1997, le pays a connu une famine dramatique : officiellement, 200 000 morts ; un million et plus selon les ONG.

Encore dépendante de l’aide extérieure, la Corée du Nord cherche à accroître les surfaces cultivables. Elle s’est lancée dans les doubles récoltes et de nouvelles cultures. Avec une production annuelle de 2 millions de tonnes, la pomme de terre, qui n’est pas un aliment traditionnel (excepté dans les régions pauvres du Nord), fait désormais partie de l’ordinaire. L’élevage des chèvres est une autre innovation.

C’est à Gubine, à 80 km à l’est de Pyongyang, qu’a commencé cette activité. Autrefois perdue au fond d’une vallée alpine que l’on atteint par des routes de terre, cette commune est aujourd’hui prospère. L’élevage des chèvres y a commencé en 1996, avec 300 têtes. Gubine en a aujourd’hui 5 000. Il y a dix ans, c’était une activité artisanale ; puis, grâce à l’assistance de l’ONG suisse Campus für Christus, on est passé à la production industrielle , explique M. Kang Tai-rok, vice-président du comité de gestion rurale. Gubine produira cette année 500 tonnes de lait.

NOUS N’AVONS PAS LE CHOIX

Dans une fabrique rutilante équipée par la Suisse, des Coréens d’outre-mer et l’Armée du salut ­ qui vient d’opérer un retour en Corée du Nord, où elle était présente jusqu’à la guerre de Corée (1951-1953) ­, sont fabriquées 340 tonnes de yaourt. Un quart du troupeau appartient aux paysans et le reste à la coopérative. Les deux tiers de la production sont destinés au système public de distribution. Le reste est écoulé via des réseaux commerciaux privés. Les chèvres (2,7 millions) sont désormais omniprésentes. Leur lait est une source de protéines. Mais l’animal arrache les racines des herbes, accentuant l’érosion des sols. Or, l’abattage des arbres pour le chauffage en l’absence de combustible et la conquête de nouvelles terres se sont déjà traduits par une dangereuse déforestation, aggravée aujourd’hui par des cultures en hauteur. Ces terres, défrichées illégalement, continuent à s’étendre. Nous n’avons pas les moyens d’importer de la nourriture et nous manquons d’engrais, d’énergie et de terres arables. Un jour, il faudra arrêter de conquérir des terres sur les hauteurs, mais, pour l’instant, nous n’avons pas le choix , dit-on au ministère de l’agriculture.

source:lemonde

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