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France : avec 53 % des voix contre 47 % pour ségolène royal

C’est une victoire acquise de haute lutte tant l’incertitude a régné jusqu’aux dernières heures et les intentions de vote d’une large fraction de l’opinion étaient demeurées indéchiffrables.

Le scrutin d’hier avait deux objectifs, une élection de droit au suffrage universel du successeur de Jacques Chirac et, en même temps, l’adhésion des électeurs à son programme politique, économique et social. Les 44,5 millions de français ont donc tranché hier. Ils ouvrent aussi au successeur de Jacques Chirac un large boulevard pour aborder les élections législatives.

La Cinquième République française, fondée par Charles de Gaulle, le 1er juin 1958, sur les décombres de sa précédente, est donc plus que jamais en vigueur, vivante et bien portante même ! Ceux qui, à commencer par la candidate socialiste, se sont acharnés à lui prédire une agonie et puis un bel assassinat pour la remplacer par une autre en ont pour leurs frais.

Ils doivent déchanter. Et le chiffre du score obtenu ce dimanche 6 mai par Nicolas Sarkozy confine plutôt au plébiscite et, ce faisant, confirme que les Français dans une large majorité ne souhaitent pas changer – du moins aussi brutalement – de république et encore moins d’institutions.

Au premier tour, le 22 avril dernier, le peuple français a renvoyé dos à dos les formations extrémistes, c’est-à-dire l’extrême gauche (Parti communiste, LCR, Lutte Ouvrière, Verts) et l’extrême droite, incarnée par le Front national notamment. Celui-ci a subi un recul sévère de près de 8 points par rapport à 2002, et son programme a été ainsi violemment rejeté. Quant à la gauche, dont Mme Ségolène Royal a incarné de grandes espérances depuis six mois, elle n’aura rassemblé avec les autres formations de gauche qu’à peine plus de 37% des voix.

Au lendemain du premier tour, un constat s’est imposé : la défaite de l’extrême gauche traduit son impuissance à s’adapter aux nouvelles attentes des Français. Et comme le souligne Michel Rocard, « dans un score d’une rare cruauté, les électeurs la désertent, la renvoient à son inutilité ». Tant et si bien que la question s’est d’emblée posée le soir même du dimanche 22 avril : puisque les forces de gauche sont laminées à ce point, comment alors transformer l’essai de la candidate du Parti socialiste, seule en lice ? Avec quel soutien pourrait-elle convaincre les électeurs – dont beaucoup d’indécis, nous disait-on – de la choisir plutôt que son rival Nicolas Sarkozy que les intentions de vote donnaient d’ores et déjà à tort ou à raison vainqueur avec une majorité confortable de près de 53 % de voix ? Comment renverser finalement un courant bien tracé, fatal en définitive ? Quelques-uns, au sein même du Parti socialiste, se sont échinés à tracer des plans de la comète, imaginant une « coalition » avec François Bayrou qui incarne le centre droit, c’est-à-dire l’ancienne Union de la démocratie française (UDF) de Giscard d’Estaing et Raymond Barre (aujourd’hui gravement malade), partie en lambeaux et transformée depuis peu en Mouvement démocrate (MD).

Ils ont forcé la main pour réaliser le rapprochement avec Ségolène Royal, organisant même un débat samedi 28 avril, contre un François Hollande, premier secrétaire du parti qui, lapidaire et péremptoire, a dit : « Le centre, c’est la droite et on ne discute pas avec la droite » !
Or, non seulement le débat « consensuel » et sans précédent a eu lieu dans un hôtel parisien, à la grande joie des « rapprocheurs » et au grand dam des récalcitrants du PS, mais Ségolène Royal et François Bayrou, se prêtant aux sunlights et aux caméras avec délectation, ont cru souligner une « convergence » au renforcement de laquelle – inquiétés par les sondages favorables à Nicolas Sarkozy – les éditorialistes de gauche n’ont cessé d’appeler entre les deux tours et jusqu’à la veille du scrutin.

Des voix de gauche et, pensait-on, d’indécis puisaient leur conviction dans le ton hostile que François Bayrou a choisi pour dire « qu’il ne voterait pas Sarkozy », laissant entrevoir un basculement virtuel de voix vers Ségolène Royal, et ce, en dépit du terrible séisme politique que le départ de vingt et un députés UDF a provoqué au centre et qui ont choisi de rejoindre le candidat de l’UMP.

Une des caractéristiques essentielles de ce scrutin présidentiel restera sans doute le taux de participation élevé : hier à 17 h 30 françaises , plus de 75% des Français avaient déjà voté, dépassant pour la même heure les chiffres de 62% du premier tour du 22 avril. Jamais une élection présidentielle française, exceptée celle de 1974 et qui a vu Valéry Giscard d’Estaing l’emporter contre François Mitterrand, n’a connu un taux aussi élevé.

Soit plus de 86% de taux de participation. Il faut y voir, et les politologues ne s’y sont pas abstenus, un « désir de politique, une passion de civisme ». Nous dirions la chance pour la démocratie française. Ils soutiennent que le deuxième tour présidentiel connaît toujours une poussée forte, au regard des enjeux qu’il présente, accentué cette fois par une très nette « conscientisation » politique, les enjeux d’une France émergente et fragilisée en même temps et par la dimension des candidats en lice. En se rendant massivement aux urnes, les Français confirment le taux élevé de participation du premier tour, déjà jugé exceptionnel de 83,77% et vont au-delà.

Qu’ils aient porté leur choix sur le candidat libéral de l’UMP, cela confirme non pas une tendance, aussi forte soit-elle, mais un mouvement d’adhésion aux options clairement déclinées par lui.

Autant dire que la campagne de diabolisation lancée et entretenue contre lui, les appels ressassés contre les dangers d’instabilité ou de désordres que son élection provoquerait, bref toutes les arguties du genre « moi ou le chaos » attribuées à Ségolène Royal – et Dieu sait qu’elle ne s’en est guère privée – viennent d’être balayées d’un revers de main cruel par la majorité des Français, restés irréductiblement insensibles aux sirènes ! Nicolas Sarkozy aura « pioché » allègrement dans les bastions du centre et de la droite, voire des socialistes que « l’infidélité » de leur candidate au dogme a apparemment plus que déçus, plus que désorientés et sidérés.

Le candidat de l’UMP ne leur est pas apparu comme une « apocalypse », mais comme celui qui a opéré une rupture avec sa propre famille, qui réunit de larges courants autour de son programme, défenseur de certaines valeurs qui, aujourd’hui, s’inscrivent comme une nécessité sur le frontispice de la nouvelle France : le retour au travail, l’effort, l’autorité, l’école, le civisme, le patriotisme, la famille…

Le scrutin de dimanche, point culminant d’une grande campagne où se sont croisé les passions et les ivresses, où se sont heurté les propos radicaux et où se sont opposé deux visions, a confirmé une lourde tendance qui est à la France d’aujourd’hui ce que le signal est à l’histoire : la politisation. Nicolas Sarkozy, inventeur de la « rupture » a forcé la droite à opérer sa mutation sans état d’âme. Il a l’a obligée à réaliser sa propre « perestroïka » et à devenir un grand parti populaire, moderne et pluriel porté sur des enjeux nouveaux comme l’Europe, l’ouverture sur le monde, le libéralisme économique, l’identité même si celle-ci n’a pas été explicitée de manière convaincante aux Français, parce qu’elle est à tort ou à raison liée à l’immigration, bref il a porté le fer là où ses adversaires ne l’attendaient pas.

Autant la campagne de sa rivale, généreuse et moins précises avec ses 100 propositions qui reprennent ni plus ni moins – et c’est là le hic – le programme de François Mitterrand en 1981, est apparue diluée, autant celle de Sarkozy – en quinze points – s’est habilement concentrée sur une plateforme de proximité plus que précise : le pouvoir d’achat des Français ; la sécurité ; le logement ; les droits opposables ; la réforme de l’Etat ; la valeur du travail (« travaillons plus pour gagner plus ») ; l’immigration, on a dit et tutti quanti… Nicolas Sarkozy, comme d’autres l’ont avancé, n’avait pas dans cette campagne l’avantage d’avoir été plusieurs fois ministre. Sa rivale l’a été aussi à plusieurs titres.

Mais il a commencé depuis plusieurs années un travail sur lui-même, consistant à corriger l’image casseuse que les autres dessinent de lui, tantôt emporté tantôt renfrogné. Il s’est attelé ensuite à la refondation de l’UMP qu’il a conquis de haute main. Les adhésions, qu’elles viennent du centre ou de la droite extrême, confortent chez lui l’image d’un président rassembleur, tout ce dont rêvait chaque candidat en lice il y a quelques semaines encore.

Hassan Alaoui
LE MATIN

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