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Les anciens producteurs de cannabis passent à l’acte

Un décor qui se répète dans une multitude d’endroits à travers la forêt. Les 500 habitants et la centaine d’habitations du douar, eux, l’ont échappé belle.
Il a fallu la mobilisation et le courage de tous les villageois pour repousser le feu qui a failli tout ravager sur son itinéraire. Selon Abderrahmane, jeune du douar dont la famille a perdu une vingtaine d’oliviers, le feu a éclaté lundi 4 septembre vers 13h.

Il lui a fallu moins de dix minutes pour parcourir une distance de près de deux kilomètres et de s’approcher des habitations. «Il avançait avec un bruit semblable à celui d’un avion», souligne Abderrahmane, toujours sous le choc. «La mobilisation des habitants a été déterminante, sinon, le bilan aurait été plus lourd», ajoute-t-il. Sur le plan environnemental, le mot catastrophe semble le plus approprié pour définir ce que la région subit depuis une dizaine de jours.

2.700 hectares de forêts ont été atteints par les incendies qui ont éclaté depuis le 2 septembre dans les régions de Larache et de Chaouen, des zones au relief très accidenté. Pour la seule province de Larache, quelque 1.320 hectares, essentiellement dans la forêt de Benni Yessef, ont été menacés selon un dernier bilan, établi le mardi 12 septembre par les autorités locales. 395 hectares ont été complètement ravagés. Le reste a été légèrement touché, («léché», selon l’expression des responsables).

Contrairement à la région de Chaouen où le feu reste relativement concentré, des centaines de foyers ont éclaté dans la région de Larache, depuis le début des incendies. Ces derniers persistaient en raison du chergui qui souffle depuis le début du mois. L’accès difficile à certains foyers, à cause du relief montagneux, a également rendu la tâche difficile pour les équipes d’intervention, explique un responsable au PC de souk L’qolla.

Selon les autorités provinciales de Larache, les incendies sont très fréquents dans la région surtout pendant la période d’été. En 2005, entre les mois de mai et août, la région a réalisé un record national avec 2.500 hectares touchés. Cette année, une certaine accalmie a été enregistrée pendant la même période

Les incendies n’ont touché que 30 hectares entre mai et août, selon les autorités. Mais, tout a changé à partir du 2 septembre. Une source explique : après l’opération «Larache, région sans cannabis», entamée en juin de l’année dernière et qui a pour objectif l’éradication totale de la culture de cette matière, des producteurs mécontents auraient probablement passé à l’acte. Frustration oblige. Les personnes, venant d’autres régions pour travailler dans les champs contre 500 à 600 Dhs la journée, sont également soupçonnées.

«Se trouvant subitement au chômage, ils ont investi la forêt et la montagne dans l’attente d’une trêve de la part des autorités», explique la source. «Chômage, attente et frustration, les actes volontaires ne sont donc pas à exclure», ajoute-t-elle. Abderrahim Derrou, ingénieur en chef, chef du service provincial des Eaux et Forêts de Larache est catégorique. «Ce sont des actes volontaires», souligne Derrou avec beaucoup de certitude.

Présent sur le terrain depuis le déclenchement des incendies, Derrou se base sur ses 25 années d’expérience dans les Eaux et Forêts pour parler avec une telle conviction. «Il n’y a pas de paramètres d’incendie accidentel», insiste-t-il. L’éradication de la culture du cannabis a poussé les producteurs vers la montagne où la plupart d’entre eux ont essayé de revenir à la charge malgré la traque acharnée des autorités. Avec leurs actes criminels, ils essayent de priver les habitants de leur première source de revenu qu’est la forêt et créer ainsi un malaise général, explique Derrou.

«Des enquêtes plus poussées doivent être effectuées afin d’identifier les coupables», ajoute-t-il. A rappeler qu’un homme et une femme, soupçonnés d’avoir déclenché un incendie, ont été arrêtés par la gendarmerie dans la région de Chaouen, après l’ouverture d’une enquête menée auprès notamment des habitants des régions. Pour Derrou, malgré l’accalmie dans la région de Larache où seuls quelques foyers à douar Bouhachem persistent, l’on est loin d’être sorti de l’auberge. La vigilance est toujours de mise parce que les criminels passeraient encore à l’acte. Ou bien, prier pour une pluie salvatrice.
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Sale temps pour les autorités

Selon un responsable de la préfecture de la ville de Larache, la «parfaite coordination» entre les différents corps d’interventions a été décisive dans la lutte contre les différents fronts d’incendie. Près de 450 éléments appartenant aux Autorités locales, Eaux et Forêts, Protection civiles, Forces auxiliaires et Forces Armées Royales ainsi que quelque 800 habitants volontaires ont travaillé côte à côte, sous le commandement des autorités provinciales, pour venir à bout des foyers d’incendies dans la région de Larache. Epuisés, las et mal rasés, la plupart de ces éléments affirment qu’ils ne dorment que quelques heures par jour. «Nous guettons la moindre fumée jusqu’à ce que cela soit devenu une vraie phobie chez nous», souligne un responsable des autorités locales.

Trois objectifs ont été prioritaires : mettre la population et les effectifs à l’abri du danger en privilégiant la précaution lors des opérations, circonscrire le périmètre menacé pour stopper la propagation des incendies et enfin maintenir un niveau de vigilance élevé suite à chaque opération.

Pour cela, 36 véhicules (camions-citernes, bulldozers, véhicules de premières interventions, véhicules de transport) ont été nécessaires. Mais, ce sont les avions qui ont réalisé l’essentiel du travail. Il s’agit des appareils C 130, des Turbo Trush et de quatre canadairs (2 français et 2 espagnols). Quelque 280 largages ont été effectués lors de la lutte contre les différents foyers.

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Deux provinces, deux mesures

En 2004, la province de Larache a réalisé 14 % de la production nationale en cannabis qui représente, en moyenne, 12 à 15 % du revenu de la population de la région. Effectuée du 7 juin au 25 juillet 2005, l’opération «Larache, région sans cannabis» a touché quelque 3.665 hectares de cannabis. La superficie de la province, elle, s’élève à 2.765 km 2. L’éradication du cannabis de la région s’est poursuivie en 2006 (du 6 juin au 30 juillet). Selon les autorités, seule 18% de la superficie initiale a été recultivée en cette matière.

Des programmes de substitutions à cette culture ont été lancés. Il s’agit de la distribution de 200 ruches, 523 chèvres et autres oliviers et caroubiers. Quelque 600 personnes ont bénéficié de ce programme d’aide qui entre dans le cadre de l’Initiative nationale de développement humain (INDH). Mais ces aides restent bien maigres quand on sait qu’un hectare de cannabis peut rapporter jusqu’à 80.000 Dhs. Chose qui a engendré une grande frustration chez les anciens producteurs de cannabis.

La frustration est encore plus grande puisque les producteurs dans d’autres régions notamment Chaouen continuent de cultiver le cannabis en toute tranquillité. Dans certains endroits, seuls quelques mètres et Oued Al Makhazine séparent les producteurs combattus et ceux qui ne le sont pas.

Reportage à Larache de Mohamed Akisra
LE MATIN

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