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Dialogue entre les générations : les tabous subsistent toujours

On ne parle pas de tout dans la famille marocaine : la politique et la sexualité viennent en tête du peloton des tabous que connaît notre société. Ces non-dits empêchent la fluidité de la communication familiale et influent fortement sur l’éducation et la vie psychologique de l’enfant.

«Dans les familles marocaines, on parle de la vie quotidienne, du football, des telenovelas…, etc. Mais il y a des sujets que l’enfant ne peut pas aborder, par exemple il ne peut pas émettre son jugement sur des adultes surtout s’il s’agit d’un oncle ou d’une tante… Il ne peut pas participer non plus à des discussions tenues entre personnes majeures», témoigne Amina Rmissi, professeur de français et mère de deux filles.

Sara, 21 ans, étudiante en médecine, est assez satisfaite des sujets examinés au sein de nos familles: «Je pense qu’on communique assez dans la famille marocaine. On y aborde évidemment tous les sujets sans dépasser les lignes rouges pour autant.»
Les sujets abordés dans les foyers marocains sont infinis, mais ce sont traditionnellement les parents qui accordent le droit à la parole à l’enfant.

Cependant la soumission de ce dernier n’est pas toujours la bonne solution. Car lui reconnaître son aptitude à communiquer ses opinions et ses sentiments serait la meilleure manière de lui accorder confiance en lui-même et en ses dispositions à agir en personne libre.

Le rapport parents-enfants passe par plusieurs étapes ; tout débute par l’enfance, période pendant laquelle les deux parties (parents et enfants) sont amenées à vivre dans un éternel processus de dialogue et de complicité. Tout pour que l’enfant puisse développer ses activités intellectuelles et artistiques.

Mais encore faudrait-il que les parents soient formés à la bonne méthode de communication… «C’est le couple qui détient l’astuce de la bonne manière de communiquer : les parents doivent résoudre leurs problèmes personnellement sans jamais engager leurs enfants, car les intérêts de ses derniers doivent être protégés…», souligne Mohammed Naji, anthropologue.

Quand arrive la fragile période de l’adolescence, les parents vivent les années les plus longues de leur existence. Cette période serait un tabou en soi ! Les adolescents deviennent assoiffés d’autonomie et de liberté, construisent leurs jardins secrets et cherchent à découvrir les changements dont ils sont l’objet. Néanmoins, ils ont besoin plus que jamais du soutien et du réconfort parentaux. Car seuls les parents détiennent l’art de mettre leurs enfants en confiance, ce qui n’est pas le cas chez beaucoup de familles marocaines, car souvent les parents profitent de cet atout pour contrôler le devenir de leurs enfants.

Donnons l’exemple d’une jeune collégienne qui ne se sépare pas de son portable et passe des heures sur le web. Ses parents et frères aînés sentiront la réalité qui saute à leurs yeux : la demoiselle est amoureuse ! Mais au lieu de l’épier, mieux vaut lui en parler. Les tabous ne sont pas les seuls éléments qui empêchent la fluidité du dialogue familial, la scolarité médiocre des enfants, les disputes houleuses entre les conjoints mais aussi des problèmes d’ordre financier surgissent souvent de nulle part.

C’est là que l’étau se resserre, ouvrant la voie à la rupture de la communication, et cela pourrait même conduire jusqu’au divorce. Et quand survient la séparation dans un couple et que la situation devient invivable, il ne faut assurément pas abandonner les enfants à leur sort car ils en souffriraient plus que personne.

«En cas de divorce on ne peut absolument pas parler de dialogue dans la famille marocaine, mais plutôt du contraire», remarque Mohamed Naji, avant de renchérir avec une once d’inquiétude : «quand il s’agit de divorce, beaucoup de mères se servent de leurs enfants à des fins matérielles, donc inutile de parler de communication…» .

Au-delà de l’affection parentale protectrice et conflictuelle à la fois, un dialogue réactualisé et ajusté à chaque situation et au moindre malentendu serait conseillé. Les deux protagonistes seraient amenés à faire des concessions pour que l’harmonie et la satisfaction mutuelles soient au rendez-vous.

Car le foyer familial ne se limite pas à un simple champ où cohabitent un certain nombre d’individus. Mais c’est tout un univers à protéger, à consolider et à maintenir en harmonie. Un monde à découvrir ensemble et non séparément.

Houda Belabd
Le matin

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