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Entretien avec Houda Samir, Vice-Présidente de « Maroc Entrepreneurs »

Maroc Entrepreneurs est une association basée en France, qui regroupe plus de 5000 cadres supérieurs et étudiants marocains. Son but est d’ « inciter les talents marocains à rentrer au Maroc pour rejoindre une entreprise existante, ou en création. » A cœur ouvert, Houda Samir, vice-présidente de l’association, a bien voulu nous en parler en détail.

Menara : Voudriez-vous vous présenter aux lecteurs de Menara ?
Houda Samir : Je suis étudiante en dernière année à l’ESSEC et titulaire d’un bachelor in engineering de McGill University. Résidant au Canada puis en France depuis bientôt 6 ans, j’ai choisi de m’investir dans « Maroc Entrepreneurs » dans le but de mieux appréhender les problématiques propres au développement du Maroc, dans l’optique d’un retour à moyen terme au pays. Je suis aujourd’hui vice-présidente de l’association.

Pourquoi l’association Maroc Entrepreneurs ?
Houda Samir : « Maroc Entrepreneurs » est une association d’étudiants et de jeunes cadres marocains en France, regroupant un réseau fort de près de 5000 membres (le plus grand réseau d’étudiants et de jeunes diplômés marocains de France). Nos activités couvrent un spectre assez large allant de l’organisation de conférences et de débats avec des acteurs de la vie politique et économique marocaine, jusqu’à l’aide au financement de projets de création d’entreprise au Maroc en passant par l’accompagnement à la réalisation de Business Plan.
A travers ces activités, nous avons pour objectif de fédérer les étudiants et les hauts cadres marocains en France, autour d’une problématique qui nous est chère : le développement du Maroc. Nous essayons, à notre échelle, d’y contribuer, soit en aidant les Marocains qui sont venus étudier en France à trouver un poste qui les satisfasse au Maroc, soit en les encourageant à créer leur propre entreprise au pays.

Vous militez pour le « retour des cerveaux », quelles garanties donnez-vous à ces cadres ?
Houda Samir : Nous ne voulons pas faire la surenchère du Maroc et de ses opportunités. Nous nous efforçons de présenter une image fidèle du Maroc, avec ses atouts mais aussi ses faiblesses. Le Maroc fait face aujourd’hui à de nombreux défis de développement. Notre objectif, à travers l’organisation de conférences ou la mise en ligne de recherches sectorielles, est de sensibiliser nos membres sur les opportunités qui existent au Maroc. Nous essayons aussi de les sensibiliser sur le rôle de levier qu’ils peuvent jouer dans le développement de leur pays. Au delà des actions que nous menons, il nous est impossible de donner une quelconque garantie.

N’est-ce pas utopique surtout quand on sait que beaucoup de Marocains, cadres entre autres, rêvent de partir à l’étranger ?
Houda Samir : La fuite des cerveaux est certes un fait avéré. Le phénomène s’est accentué dans les années 2000 où nous avons assisté à une véritable hémorragie de cadres à qui des opportunités étaient offertes en Europe et en Amérique du Nord, notamment dans le secteur des nouvelles technologies. L’éclatement, de la bulle aidant, ce phénomène s’est amenuisé ces dernières années, et la tendance se serait même inversée, à en croire les demandes d’emploi en constante progression que reçoivent les multinationales installées au Maroc. En effet, si beaucoup de Marocains au Maroc rêvent de partir à l’étranger, il y a aussi un nombre non négligeable de Marocains à l’étranger pour qui la question du retour se pose très sérieusement.

Que répondez-vous à ceux qui avancent que votre appel est plutôt « affectif » et qu’il manque de réalisme ?
Houda Samir : Il est vrai qu’il y a une part d’affectif mais cet appel ne manque pas de réalisme pour autant. Les faits sont là, le Maroc est en chantier. Les grandes entreprises marocaines, mais également de nombreuses PME dont nous avons reçu plusieurs sollicitations pour des besoins de recrutement spécifiques, recherchent de plus en plus de hauts cadres et des profils expérimentés . Dans le même temps, de plus en plus d’entreprises étrangères s’implantent au Maroc, notamment les sociétés de services qui ont d’importants besoins de recrutement en cadres marocains pour les accompagner dans leur développement.
Ce retour des cerveaux, nous souhaitons également le concrétiser à travers la création d’entreprise, véritable levier de développement économique du Maroc.
Par ailleurs, nous assistons aujourd’hui à un phénomène très intéressant que nous encourageons particulièrement, c’est celui de l’intrapreneuriat. De nombreux cadres marocains en France, arrivés à de hauts postes de responsabilité ou de direction, décident de rentrer au Maroc non pas pour créer leur propre entreprise, mais pour y développer une activité pour le compte de l’entreprise qui les emploie. Le cas de Mohamed Lakhlifi, Directeur à Unilog Management est emblématique de ce phénomène.
Enfin, nous organisons pour les porteurs de projets de création d’entreprises innovantes au Maroc des rencontres avec nos partenaires investisseurs. A ce propos, notre 2° édition du Séminaire de financement de projets, organisée en partenariat avec le Fonds de capital-risque Sindibad, Bank Al-Amal et l’Ambassade du Maroc en France, se tiendra le 23 mai prochain à Paris.
Nous sommes impressionnés par le nombre et la qualité des projets que nous recevons mais également par l’engouement massif pour ces rencontres.

Ne croyez-vous pas que les cadres marocains vivant à l’étranger se trouvent confrontés à un grand problème une fois rentrés au bercail, à savoir le décalage entre deux mondes diamétralement opposés ?
Houda Samir : Il est communément admis que les Marocains qui font le choix du retour le font pour jouir d’une meilleure qualité de vie et pour se rapprocher de leur famille, bien qu’ayant des appréhensions concernant l’insertion dans un milieu professionnel où les codes et les modes de gestion sont parfois loins de ceux qu’ils ont connus à l’étranger.
Il est indéniable que le décalage n’est pas le même selon qu’on ait déjà vécu précédemment au Maroc ou non. Pour ceux qui y ont déjà vécu, la réadaptation à leur contexte initial est plus facile que pour un Marocain qui a toujours vécu en France et qui décide de s’installer au Maroc.
Cependant, aucune recherche quant aux motivations et freins réels au retour ne nous est connue à ce jour. Pour mieux cerner la question, nous envisageons de lancer sous peu une enquête à destination des Marocains ayant résidé à l’étranger et ayant fait le choix du retour, ainsi qu’aux Marocains résidant à l’étranger et n’ayant pas encore fait le pas.

Est-ce que vous bénéficiez de l’appui de l’Etat marocain ?
Houda Samir : Nous bénéficions aujourd’hui du soutien de l’Ambassade du Maroc en France.
Nous avons besoin d’un appui et d’un soutien importants d’acteurs locaux, dans le domaine de la promotion de l’investissement et la création d’entreprise au Maroc, comme la Direction des Investissements Extérieurs, les Centres Régionaux d’Investissements, et des organismes d’aide et de soutien aux créateurs d’entreprises. Nous avons besoin de véritables interlocuteurs locaux pour nous permettre de rediriger au mieux les porteurs de projets.

Ne pensez-vous pas élargir votre action à des pays autres que la France, qui regorgent de cadres marocains expatriés ?
Houda Samir : Notre objectif principal pour le moment, c’est de renforcer notre position là où nous sommes présents physiquement, c’est-à-dire à Paris et à Lyon. Ceci étant, de nouveaux membres venus de tous pays rejoignent chaque jour Maroc Entrepreneurs à travers son site www.marocentrepreneurs.com. Le réseau de « Maroc Entrepreneurs » compte ainsi de nombreux marocains installés en Belgique, au Royaume uni et aussi outre atlantique, en particulier au Canada. Nous avons même été contactés récemment par un jeune marocain porteur d’un projet innovant et qui vient de terminer ses études à l’Université de Honolulu, à Hawai …

Menara.ma
Propos recueillis par A. El Aine

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