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Quand les Casablancais couraient du Vox au Rio

Auparavant, la mort lente et programmée des salles de cinéma avait déjà défiguré la grande cité, en l’éloignant pour longtemps du 7e art. Dans les années 1950 et 1960 en effet, les salles obscures pullulaient dans Casablanca. Les évoquer aujourd’hui serait l’occasion de montrer combien notre ville et ses habitants célébraient l’art cinématographique. « Les salles de cinéma étaient le seul moyen pour voir les films, surtout que les télévisions étaient encore un produit de luxe, non accessible à tout le monde », nous confie une Casablancaise.

Certes, aujourd’hui, il y a le complexe du Megarama avec ses 14 salles, mais hélas réservées à un certain milieu. Jadis, ce sont ces petites salles de quartiers qui faisaient le charme des sorties en famille. La seule rue du Jura (actuellement Oussama Ibnou Zaid) au Maârif comptait quatre salles qui faisaient les beaux jours de leurs exploitants, car elles affichaient toujours «complet». En empruntant la rue du Jura venant du boulevard Brahim Roudani, voici le «Monte Carlo», le «Mondial», le «Familia» et enfin le «Rex». «On avait droit à deux films par séance, généralement de grands succès américains ou européens, particulièrement français », se souvient un ancien habitant du quartier.

Les Maârifiens comme on les appelait n’avaient guère besoin de se déplacer ailleurs pour «se frapper une toile» selon l’expression consacrée à l’époque. Chaque quartier donc, avait sa salle. Ainsi à Bourgogne, on trouvait le «Victoria» et «L’Arc» dont les matinées enfantines à 1 dirham l’entrée rendaient les adolescents de véritables cinéphiles. L’ancienne médina de Casablanca n’était pas en reste. Médina, Impérial, Raja, Moghreb… Assister à une séance dans ces salles qui étaient friandes de westerns, était un véritable régal. Le public vivait au rythme de l’action du film et de l’évolution du héros (l’oueld pour les Casablancais). Les «Rio Bravo», «L’homme au colt d’or », « Le dernier train de Gun Hill », « Le train sifflera trois fois», tous des succès planétaires, ont permis aux Casablancais de connaître ce genre cinématographique qui est le western.

Kirk Douglas, Dean Martin, Richard Widmark, Henry Fonda, grandes stars de l’époque, étaient des familiers de ces salles pourtant si modestes dans leur conception. Sur l’actuelle place Oued El Makhazine se dressait le cinéma «Rio» qui ne désemplissait jamais car «Tarzan» ou «Hercule» avec ses 12 travaux, veillaient au grain.

Mais toutes ces salles ne pouvaient rivaliser avec le grand, l’unique, l’inoubliable cinéma «Vox». Il s’érigeait fièrement sur l’actuelle place Maréchal avec son immense orchestre, son balcon, ses mezzanines et surtout son «poulailler» ainsi surnommé du fait de sa hauteur et sa petitesse. «Le poulailler permettait aux fauchés d’accéder quand même à cette salle si prestigieuse, car le décor y était impressionnant et nous, encore enfants, nous intimidait, ainsi d’ailleurs que les spectateurs dont les tenues – costumes pour les hommes, robes élégantes pour les dames – donnaient l’impression qu’on assistait à une soirée de gala », affirme un ancien habitué de la salle.

Oui, le cinéma Vox faisait partie de l’âme de Casablanca, que ne fallait-il pas le sauver ?! Patrimoine hélas perdu, il rappelle avec tristesse la fin d’un autre cinéma sous d’autres cieux, le célèbre «Cinema Paradisio» en Italie, dont le réalisateur Nanni Moretti a su si bien en rendre la nostalgie. Ainsi, par le passé, Casablanca offrait un choix infini quant au nombre vertigineux de salles de cinéma.

Elles avaient permis à de nombreux Casablancais de se former, de se passionner pour un art qui, comme chacun le sait, joue un rôle prépondérant dans la vie culturelle de tout pays. Ceux qui ont connu cet âge d’or en gardent aujourd’hui encore un souvenir impérissable. N’est-il pas temps, à l’heure où le cinéma est devenu incontournable, de redorer le blason casablancais en l’équipant de nouvelles salles dignes d’une telle métropole et de restaurer celles déjà existantes et qui font partie intégrante du patrimoine architectural de notre ville ?

Fatima-Ezzahra Saâdane
LE MATIN

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