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Vladimir Poutine arrive aujourd’hui au Maroc pour une visite d’Etat

en cette trouble époque de guerre froide,à un défi idéologique tant il est vrai que le Maroc apparaissait à tort comme un Etat aligné davantage sur l’Occident, voire sur l’Amérique que sur l’Union soviétique.

La visite d’Etat de M. Vladimir Poutine au Maroc, sur invitation de S.M. le Roi Mohammed VI, constitue en effet un événement significatif dans les relations que les deux pays n’ont cessé de tisser. Elle marque un pas supplémentaire depuis la visite officielle que le Souverain a effectuée en Russie du 14 au 16 octobre 2002.

Les deux chefs d’Etat, ayant pris en main presqu’au même moment le destin de leurs pays, avaient donné lors de cette visite une nouvelle dimension à l’amitié maroco-russe, vieille de plusieurs décennies, sinon depuis des siècles. L’histoire des deux peuples a suivi jusqu’à l’année 1917 une sorte de parcours parallèle, confrontés qu’ils furent au jeu des grandes puissances impériales. S’il n’existait pas de relations diplomatiques formelles, un courant de sympathie réciproque les liait. Et le grand voyageur marocain, Ibn Batouta, surnommé le “Marco Polo” arabe, s’était rendu en Asie centrale et notamment déjà en Russie de 1336 à 1339, avant de rejoin-dre le Turkestan et la Chine.

Au lendemain de la Libération du Maroc en 1956, l’un des tout premiers soucis de feu S.M. Mohammed V avait été d’établir des relations diplomatiques équilibrées entre l’est et l’ouest comme l’on disait autrefois. Un protocole d’accord avait été signé entre le gouvernement marocain et le gouvernement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) qui formalisaient des relations de coopération et d’amitié. Aussitôt, une large perspective fut ouverte aux deux pays, Moscou soutenant le Maroc dans ses efforts de développement, accueillant dans ses universités de nombreux jeunes étudiants marocains, déployant une coopération diversifiée, commerciale, technique, culturelle, médicale et sportive.

Dans les années cinquante, l’URSS incarnait comme le pays protecteur de l’Afrique et du Moyen-Orient, le contrepoids de l’influence occidentale, américaine en l’occurrence. Le lancement de la fusée Spoutnik trouva au Maroc un soutien populaire sans précédent, et Youri Gagarine incarna à son tour , dix ans avant l’Américain Armstrong, le héros de l’espace . Cet engouement relatif pour la Russie soviétique était, en fait, le pendant culturel à un intérêt politique que beaucoup de jeunes Marocains, férus de marxisme, nourrissaient à l’endroit de la patrie du socialisme , une puissance aussi qui, le romantisme révolutionnaire aidant, après s’être opposée aux empires coloniaux, luttait farouchement à leurs yeux contre l’impérialisme en Afrique, en Asie, en Amérique latine…

En dépit des systèmes politiques différents, le Maroc et la Russie n’avaient de cesse de développer, a contrario, des relations exceptionnelles d’amitié. Le premier contrat phosphatier entre les deux pays avait été signé à Moscou par Ahmed Osman, alors Premier ministre, en février 1979 qui faisait de l’URSS à l’époque le premier importateur du Royaume.

Cette relation singulière était d’autant plus confortée de part et d’autre que Maroc et URSS s’étaient pratiquement retrouvés bien souvent sur la même longueur d’ondes : sur les grands dossiers internationaux comme la Palestine, le Moyen-Orient, la libération des pays en Afrique, le tiers-mondisme, le non-alignement qui constituait à tout le moins une préférence à Moscou. En tout état de cause, l’effondrement de l’Union soviétique entamé sous Mikhaïl Gorbatchev, applaudi naturellement par les Occidentaux, ne fit pas que des heureux au Maroc.

Car l’URSS, quand bien même ses détracteurs pensaient avoir raison, constituait un contrepoids sérieux à l’influence des Etats-Unis , et son poids préservait l’incontournable équilibre de la terreur . George W. Bush ne serait pas intervenu si facilement en Irak si l’URSS existait encore ? Le réformateur au destin raccourci que fut Iouri Andropov, aurait sans doute réalisé une heureuse synthèse entre le maintien du dogme et la perestroïka, mais il est décédé tôt. On, peut estimer que dans son sillage, l’actuel président de la Russie, Vladimir Poutine semble acheminer la Russie sur la voie de la modernisation. Il n’a pas tort , en effet, d’estimer dans son allocution devant le Parlement, le 25 avril 2005, que l’effondrement de l’Union soviétique a constitué le désastre géopolitique majeur du siècle , ajoutant que pour la nation russe, ce fut un véritable drame !

C’est une Russie immense, certes, mais complexe que le Président Vladimir Poutine s’efforce de reprendre en mains depuis qu’il a été élu , une première fois en mars 2000 et réélu triomphalement une seconde fois le même mois en 2004. Le plus vaste territoire du monde, soit 17 075 200 kms carrés, une population de près de 143 millions, des ressources indescriptibles et, notamment en Sibérie, des gisements insoupçonnables et intacts en pétrole, en fer et en or, une puissance militaire qui ne le cède en rien à celle des Etats-Unis, la Russie est membre permanent du Conseil de sécurité où elle jouit au même titre que l’Amérique d’un droit de veto, membre du G 8 et cofondatrice de la Communauté des Etats indépendants, née au lendemain de la chute de Berlin en 1989.

La Fédération de Russie, sous sa forme actuelle, est née en décembre 1991 après l’effondrement du système communiste mis à mal par une contre-révolution libérale, conduite alors depuis août 1990 par Boris Eltsine. Une Russie immense et complexe donc , parce que le Président Poutine, à son arrivée au Kremlin, a été confronté à de puissantes oligarchies économiques et politiques , parce qu’ensuite la transition du communisme vers le libéralisme a pris plus de temps qu’il n’en fallait, parce qu’aussi la Russie, à l’instar des autres puissances, n’est pas à l’abri de certaines revendications et qu’elle est enfin confrontée au terrorisme mondial , plutôt au radicalisme islamiste dont la Tchétchénie n’est que l’avant-poste visible.

Une vision multipolaire, donc ouverte sur le monde, semble prédominer aujourd’hui. Elle mêle réalisme économique et devoir de solidarité, le front de la critique, même s’il n’est pas ouvert, demeurant au fond dans les analyses des dirigeants russes. L’enracinement dans une économie libérale ne signifie pas, aux yeux de M. Poutine, le chaos, ni l’anarchie. Il entend développer une vision moderne de l’économie, le pétrole servant simplement de levier.

La Russie, et l’épisode malheureux et sanglant de Beslam l’a montré en septembre 2004 , est confrontée également au pire des radicalismes islamistes. Vladimir Poutine demeure un chef d’Etat apprécié, par son peuple qui le crédite de plus de 87% de popularité, lui font confiance selon un sondage récent publié par le centre Vtsiom. Il en est de même à l’étranger où de nombreux pays voient en lui un leader russe ouvert, par opposition à ses prédécesseurs, un infatigable voyageur qui, de pays riche en pays pauvre , se pose forcément comme le partenaire stratégique .
Les sociétés russes, d’industrie ou de tourisme, conquièrent le monde, en Afrique et un peu partout, comme en témoigne le récent voyage de Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, en Angola où des projets pétrolier, gazier, diamantaire aussi sont à l’étude.

Au Maroc, la visite de M. Vladimir Poutine traduit l’importance et la qualité des relations qui existent entre lui et S.M. le Roi Mohammed VI, ensuite entre les deux gouvernements et les deux peuples. Approfondissement, élargissement, concordance, il n’est pas de mots assez forts pour qualifier l’état d’esprit qui caractérise la visite du Président russe au Maroc.

La concordance sur une série de questions régionales et internationales est patente, y compris sur la nécessité de promouvoir une solution politique au Sahara, dont le projet sera soumis sous peu au Conseil de sécurité où la Russie occupe une place de choix et qui, jusqu’à nouvel ordre, réfractaire à la balkanisation des Etats, demeure à l’évidence sensible à un règlement global dans le cadre de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Maroc.

Hassan Alaoui | LE MATIN

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