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Union du Maghreb arabe : Les ambivalences de M. Bouteflika

Nous en étions ébaudis ! Mardi, en revanche, il a tout renié au grand désespoir de ses citoyens. En recevant à Alger Daniel Ortega, président du Nicaragua et qualifié de «grand ami de l’Algérie», Abdelaziz Bouteflika a de nouveau évoqué la question du Sahara et son lien avec le «blocage» qui caractérise la construction du Maghreb.

Il ne fallait pas tant d’esbroufe pour convaincre, en effet, un allié sandiniste comme Daniel Ortega, dictateur de son état depuis 1984 et dont le pays – livré à la nomenklatura sandiniste -, aux ordres d’Alger bien entendu, a joué le rôle que l’on sait lors du dernier débat du Conseil de sécurité, le 30 avril, sur le projet d’autonomie : un rôle de boutefeu , de perturbateur , le même dévolu d’ailleurs à l’Afrique du Sud et consistant à entraver l’unanimité des votes en faveur du projet marocain. Las ! Ni le Nicaragua ni l’Afrique du Sud ne sont parvenus à renverser la tendance.

Que Daniel Ortega se rende en visite à Alger quatre semaines après le vote du Conseil de sécurité, ne constitue pas un hasard. Il s’inscrit dans ce qu’on appelle «le retour d’ascenseur» que l’Algérie lance en guise de remerciements à celui qui, mettant à profit son passage au Conseil de sécurité parmi les membres non permanents en vertu de la rotation en vigueur, s’est fait le chantre de la «cause sahraouie».

Comment le président Bouteflika entend-il le récompenser ? Ni le peuple algérien ni personne d’autre ne le saura, mais le principe est acquis, inscrit dans une morale aux parfums de pétrodollars. Parlons en donc de cette morale, dénuée de tout principe et qui, dans le cas qui nous intéresse – celui de la construction du Maghreb – s’apparente à une perversion ahurissante de la vérité. M. Bouteflika estime que «le problème du Sahara occidental constitue un facteur de blocage du processus de la construction de l’Union du Maghreb Arabe ( UMA).» En voilà donc une vérité nouvelle ! Il dit «un» facteur de blocage, ce qui laisse supposer qu’il en existe plusieurs, si l’on s’en tient à son éloquence et à sa rhétorique.

Nous dirions, en effet, en ce qui nous concerne que c’est « Le » facteur de blocage, parce qu’il s’agit d’une mascarade que les historiens honnêtes ne peuvent que condamner.

Lorsque le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie signèrent, le 17 février 1989 à Marrakech, l’acte de naissance de l’UMA, Abdelaziz Bouteflika vivait en «exil» doré à Genève et l’Algérie était présidée par Chadli Bendjedid, signataire de la charte maghrébine.

L’UMA, les textes de sa fondation en portent la marque, constituait une profession de foi des chefs d’Etat mais aussi l’un des derniers espoirs pour les peuples des cinq pays de réaliser leur unité, un peu à l’image de ce qui a pu être fait au niveau de la communauté européenne.

Elle transcendait les problèmes hérités de la décolonisation, vécus en commun, effaçait les séquelles de conflits, larvés ou déclarés entre les uns et les autres et, surtout, portait en son germe le règlement tacite du principal d’entre eux, à savoir le Sahara. Avec le processus d’édification du Maghreb, on inaugurait en effet dans le sillage d’une convergence devenue complicité, une « méthode de règlement »à la maghrébine, bien de chez nous, comme nous le disait l’air convaincu un diplomate.

Quelques mois plus tôt pourtant, au Sommet de l’UMA d’Alger de juin 1988 auquel participa feu S.M. Hassan II – parti de Tanger vers Alger à bord du paquebot le « Marrakech », un autre symbole ? – un mini sommet maroco-algérien avait déjà tracé le sillon d’un difficile rapprochement qui tenait du miracle après quatorze ans de « guerre froide » ponctuée par des accrochages meurtriers à Amgala en février 1976…

Les observateurs, tout à leur lucidité et à leurs regrets exprimés, considèrent que l’affaire du Maghreb ressemble à s’y méprendre à une poupée russe : en elle se loge une autre , peut-être la plus grave et en même temps la plus simple à démonter, celle de la rivalité qui conditionne bien entendu la crise du Sahara.

Celle-ci sert aux yeux des dirigeants algériens de pièce à conviction pour celle-là ! Et comme la vision du président Bouteflika reste prisonnière d’une rhétorique belliqueuse qui remonte aux années cinquante-soixante et au catéchisme du FLN , « l’affaire du Sahara oppose deux modèles et deux régimes », un modèle libéral, une monarchie, à un modèle socialiste et à une révolution.

Près de cinquante ans après, alors que la révolution au sens marxiste-léniniste du terme est morte de sa belle mort, enterrée sous les coups de boutoir du libéralisme triomphant à Berlin, à Prague, en Afrique voire à Moscou ou à Pékin, M. Bouteflika – et avec lui le l’apprenti sorcier Ortega – continuent de nous abasourdir sur la « protection des droits des peuples » ! Comme s’ils sont les détenteurs d’une telle exigence alors que l’un et l’autre cautionnent des politiques de répression, emprisonnent les journalistes, vivent sous la coupe des « sécurités militaires » et traquent les opposants.

Abdelaziz Bouteflika a expressément choisi la visite de Daniel Ortega pour faire « sa sortie » sur le Maghreb et le Sahara . Seuls les novices peuvent y voir une nouveauté. Le ton , la radicalisation du langage qui renvoie à des logorrhées où se conjuguent la nostalgie et l’amertume, ne laissent pas de surprendre.

Le président algérien réclame une « autodétermination authentique du peuple du Sahara occidental ». On notera avec intérêt le recours à l’adjectif « authentique », comme s’il mettait en doute l’esprit de la résolution votée à l’unanimité le 30 avril dernier par le Conseil de sécurité sur une solution politique qui , cela va sans dire, sous-tendait une forme d’autodétermination , comme si enfin il esquissait une forme de contestation du processus mis en œuvre par les Nations unies et dont la première étape est prévue pour le 18 juin prochain…

Le Maroc y va, serein et lucide, fondant son argumentaire sur la légalité, le soutien précieux et proclamé de la communauté internationale, sa vision constructive mais ne se départit jamais de cette vérité que la construction du Maghreb passe par un règlement de la question du Sahara qui suppose – et nous ne le dirons jamais assez – que l’Algérie doit renoncer à ses prétentions hégémoniques et respecter notre intégrité territoriale.

Tant qu’elle s’acharnera à nous la contester, il n’y aura pas , en tout cas du côté marocain, de construction du Maghreb…

Hassan Alaoui
LE MATIN

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