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Ramadan, délits et délinquance

Entre autres actes délictueux, les atteintes aux biens figurent en haut du palmarès. Cela englobe le vol à l’arracher ou à la tire, celui avec violence, à main armée, le vol de cyclomoteurs, le vol dans voiture, l’abus de confiance, le recel ou l’escroquerie.

Il faut également compter avec les tireurs de chèques sans provision qui prolifèrent curieusement lors du mois de Ramadan. Sans doute, les dépenses excessives qui accompagnent celui-ci, y sont pour beaucoup. Du coup, on n’hésite pas à régler ses divers achats par chèque, sachant que la provision sur le compte ne pourra aucunement honorer le p’tit bout de papier. Ça relève de la mauvaise foi, certes, mais cela s’appelle plutôt de l’inconscience.

Parallèlement, le trafic de stupéfiants, les atteintes à la personne, ainsi que la prostitution, les atteintes aux mœurs ou encore celles à la famille enregistrent une nette augmentation.

Des chiffres alarmants

Mais pour en revenir aux délits plus graves, ceux qui se rapportent au délestage sous toutes ses formes, les statistiques établies un peu partout au niveau des arrondissements parlent d’eux-mêmes. L’arrondissement Al-Fida Mers Sultan, à Casablanca, est édifiant à ce propos.

En ce qui concerne les atteintes aux biens, rien que pour le mois de Ramadan 2005, les éléments de la police judiciaire ont réussi à élucider 234 affaires. Suite à cela, 190 malfaiteurs ont été écroués et déférés devant la Justice. Ces affaires concernent principalement des vols commis sous les diverses formes citées plus haut, avec une nette prédominance du vol à l’arracher et celui à la tire.

Pour bien cerner l’importance de ces chiffres, il ne faut pas se détourner du lieu où ces délits ont été commis, c’est-à-dire au niveau d’un seul arrondissement. Et ces chiffres ne concernent que les affaires élucidées. En moyenne, cela donne quelque 8 affaires par jour, ce qui est énorme. Si l’on devait leur additionner celles des autres arrondissements, puis celles enregistrées au niveau des autres villes et villages, on se retrouverait avec des chiffres quotidiens à vous donner des sueurs froides.

La prolifération du vol, notamment à la tire, puise ses sources dans l’effervescence que connaissent les souks et autres lieux commerciaux, principalement en fin d’après-midi. Les foules et les bouchons occasionnés favorisent le passage à l’acte. Un portefeuille ou une bourse est alors facilement et, surtout, rapidement subtilisé. La bousculade aidant, la victime n’y voit que du feu.

A moins que le détrousseur soit un lourdaud et soit pris la main dans… la poche d’autrui : attroupement et passage à tabac garantis, de quoi lui faire regretter d’exister avec, en prime, le reste du Ramadan bien à l’ombre…
Concernant le trafic de stupéfiants, celui-ci est également revu fortement à la hausse. On pourrait expliquer cela par la fermeture des débits de boissons, ou plutôt par la sacralité de ce mois qui fait que même accro à l’alcool, le Marocain se refuserait à en prendre pendant le Ramadan.

Partant de ce constat, tout ce qui peut faire tourner la tête, comme solution de substitution, et à condition qu’il ne s’agisse pas d’un liquide, fait l’objet d’une convoitise singulière.

A ce propos – toujours au niveau de l’arrondissement Al-Fida Mers Sultan, à titre d’échelle de comparaison – les éléments de la police judiciaire ont solutionné 106 affaires et mis 119 délinquants derrière les barreaux, lors du Ramadan 2005. Cela englobe le trafic de résine de cannabis (chira ou haschisch) ou de maâjoune (pâte traditionnelle comestible), la vente de comprimés psychotropes, de nafha (tabac à snifer) et de kif, ainsi que la détention et la consommation de drogues diverses.

Au total, près de 31 kilogrammes de hashish ont été saisis, en plus de 285 comprimés de barbituriques et plusieurs kilos de maâjoune. Dans ce contexte, le mois de Ramadan en cours a déjà battu des records par rapport à l’année écoulée, puisque au niveau de ce même arrondissement, la police a saisi, le premier jour du mois sacré, 4.000 comprimés psychotropes. Les dealers n’y vont pas de main morte, dira-t-on!

Des comportements survoltés

Le Ramadan, c’est aussi le mois du : «Fous-moi la paix, et au moindre échange de regard, tu prends mon poing dans la gueule !». Ce n’est pas une formule bien correcte mais notre comportement «ramadanesque» ressemble à peu près à cela. A ce titre, les atteintes à la personne battent leur plein.

Le Ramadan dans le même arrondissement casablancais a connu 52 actes de coups et blessures mettant en cause 58 individus, 16 actes de menaces, 62 actes de violences et une cinquantaine d’actes de diffamation (voir encadré), en plus des injures qui ne se comptent plus…

En temps normal, une dispute commence par un échange assez courtois autour du sujet de la discorde. Ensuite, le ton monte, on en vient aux joutes verbales et, en ultime recours, aux mains. Durant le Ramadan, la première étape d’une dispute est balayée d’un revers de main, les insultes fusent d’emblée et les coups ne se font pas attendre, histoire, pense-t-on, de régler plus vite les choses. En effet, pourquoi perdre du temps puisque la finalité est la même ? C’est absurde mais, malheureusement, les comportements survoltés en cette période se résument à cette version caricaturale du malentendu.

La prostitution sur voie publique

Pour ce qui en est de la prostitution, une augmentation est en effet enregistrée. Celle-ci est cependant amplifiée, car c’est surtout le racolage qui prend des dimensions énormes. Ceci pourrait s’expliquer par la fermeture, durant le Ramadan, de plusieurs cabarets et autres night-clubs de nature à abriter ce genre de transactions. Les rencontres se font alors sur la voie publique, vu que nombre de ces dames de petite vertu vivent de leur «profession» et qu’elles ne peuvent se permettre tout un mois d’inactivité. Elles se retrouvent donc à faire du racolage, lequel est sévèrement réprimé par la loi.

Cette augmentation manifeste de la prostitution a également d’autres explications. Parmi les raisons de cette situation, on revient à l’hyper-consommation et les dépenses importantes que suscite ce mois sacré. Sur ce registre, la prostitution est répartie en deux types distincts. Il y a des gens qui se prostituent toute l’année et qui en font un métier.

Puis il y l’autre type de prostitution, occasionnelle, et qui permet à une personne qui dispose déjà d’un travail, de passer du bon temps avec un petit cachet à la clé. Ceci du côté de l’offre.

Du côté de la demande, on pourrait établir que l’abstinence est mal acceptée chez les gens. On se retient durant toute une journée et, après la rupture du jeûne, on se dit que tout les excès sont permis. Ça aussi, c’est à mettre dans la longue liste des comportements excessifs occasionnés par le mois du Ramadan.

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Diffamation : un acte qui peut coûter cher
La diffamation n’est pas le propre de la presse, suite à la publication d’informations erronées préjudiciables à l’encontre de telle ou telle personne. La diffamation est également prise en compte par la loi en ce qui concerne les rapports entre citoyens. Sur ce plan, les gens ignorent ce qu’ils encourent en qualifiant, en public, telle ou telle personne d’un quelconque attribut pouvant lui porter préjudice ou nuire à sa réputation.

Au moindre écart de conduite au volant de sa voiture, on se fait abreuver de tous les noms. De même, lors d’altercations banales entre deux ou plusieurs personnes, on ne lésine sur aucun qualificatif pouvant rabaisser l’autre. Chose qui peut coûter cher à son auteur. Traiter une personne, à tort, de drogué, de voleur, d’homosexuel, de prostituée ou autre est qualifié de diffamation aux yeux de la loi. Cela peut être passible de peines conséquentes.

Le coupable peut même comparaître en état d’arrestation. La sanction peut aller de l’amende, passant par la prison avec sursis, jusqu’à l’emprisonnement tout court. Voilà de quoi inciter à bien tourner sa langue dans sa bouche avant de cracher le moindre mot. Un vocable, ça ne coûte pas grand-chose à formuler, mais le prix à payer pour en assumer les conséquences peut s’avérer plus démesuré qu’on ne puisse le penser.

Abdelhakim Hamdane
LE MATIN

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