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Le charlatan aux talismans magiques

Or, la cour ne peut se contenter d’interroger le mis en cause pour rendre son jugement. La loi impose d’entendre également la version de la victime. Surtout que cette dernière n’a pas été écoutée, pour les mêmes raisons, par le juge d’instruction.
Mais pourquoi Nadia refuse-t-elle de se rendre au Palais de justice ? Son avocat lui-même en ignore les raisons. Quant à sa mère, elle n’a pas de réponse convaincante. Quand elle s’est présentée devant la cour, elle s’est contentée d’expliquer que sa fille prétendait voir, en rêve, le mis en cause et que ce dernier l’intimidait.
La cour, n’ayant pas trouvé d’explication au comportement de la jeune fille, a décidé de reporter l’affaire à une seconde audience. Mais Nadia n’a pas répondu à la deuxième convocation de la cour.
C’est ainsi que l’avocat de la jeune fille a plaidé… le mystère ! « Une force étrange empêche ma cliente de répondre à votre convocation… Sa mère elle-même a fait de son mieux pour la convaincre, mais en vain. Nadia lui répondait que le mis en cause lui rendait visite lors de son sommeil pour la menacer de la tuer si elle se rendait au tribunal… C’est pourquoi je requiers, M. le président, un nouveau délai qui me permettra de libérer cette jeune fille de ce cauchemar ». Le président accorde donc un nouveau délai, en précisant qu’il sera le dernier.
L’avocat se rend chez la jeune Nadia, lui explique que le mis en cause a tout nié lors de l’instruction détaillée et que la cour est obligée d’écouter son témoignage. Faute de quoi, le mis en cause sera acquitté ou bénéficiera tout au moins des circonstances atténuantes. Mais l’argumentaire de l’avocat demeure vain. Nadia persiste à refuser de se rendre devant la cour, expliquant à l’avocat que l’homme la menace au cours de la nuit durant son sommeil.
C’est alors que l’avocat remarque soudain un talisman autour du cou de Nadia. Par curiosité, il en demande la provenance à la mère de la jeune fille. « C’est le mis en cause qui le lui a donné » Pris d’une intuition salvatrice, l’avocat ôte le talisman du cou de Nadia. Et la fille change tout à coup de comportement. Non seulement elle paraît enfin soulagée, mais sur son visage le sourire est revenu. Et avec ce sourire, la sérénité propice à la révélation par la mère et la fille de tout ce qui s’est passé jusqu’à la mystérieuse influence du satané talisman. Le mis en cause est un des trop nombreux charlatans qui sévissent à Casablanca. Il s’appelle Abdellah, quadragénaire, marié et père d’un enfant. Quand Nadia, malade, a été conduite par sa mère chez lui, il lui a donné un talisman contre une somme de trois cents dirhams. « Tu dois me la ramener la semaine prochaine », demande le charlatan à la mère.
Conduite par sa mère, Nadia retourne donc chez le charlatan la semaine suivante. Ce dernier l’a soumise à une séance d’exorcisme contre cinq cents dirhams. «Il ne lui reste qu’une seule séance», annonce Abdallah à la mère de la jeune fille.
Lors de la troisième séance, le charlatan ordonne à Nadia d’ôter tous ses vêtements et impose à la mère de se tourner contre le mur. La jeune fille s’est allongée sur un divan à la demande du charlatan tandis que ce dernier commence à caresser son corps dénudé. À chaque fois que la mère tente de jeter un regard, il se met en colère. « Ne regarde surtout pas, les Jnoun qui possèdent ta fille risquent de s’envoler et je ne pourrais plus m’en emparer », lance-t-il à la mère. Les caresses de l’homme ont atteint le bas ventre de Nadia. C’est alors qu’il entreprend d’introduire un doigt dans les parties intimes de la jeune fille qui pousse alors un cri de douleur. La mère, qui réalise à ce cri que le désenvoûtement n’est qu’un prétexte, se retourne aussitôt et se précipite vers sa fille pour la sauver.
Le charlatan a donc été arrêté, mais Nadia a gardé le talisman autour du cou jusqu’au moment où il a été ôté par l’avocat. Devant la cour, le charlatan a eu beau expliquer que le talisman en question était destiné à protéger Nadia des forces du mal, le président, lui, ne s’est pas laissé envoûter.
Mais tous les charmes de Abdallah, le faux guérisseur, n’ont pas pu le protéger de la peine de trois ans de prison ferme qui a été prononcée contre lui.

Par : Abderrafii ALOUMLIKI
Aujourdhui.ma

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