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Jeunes amoureux hors la loi

C’est pourquoi je préfère partir en congé en septembre. Généralement, c’est pendant les deux dernières semaines, mais le prochain avènement du Ramadan m’a fait avancer la date cette année», explique Reda, jeune cadre dans une entreprise. Ce qu’il ne dit pas c’est que c’est aussi moins contraignant concernant «le respect des mœurs». Reda séjourne actuellement dans un Riad à Marrakech. Il n’est pas seul, Samia sa «fiancée» l’accompagne.

Samia et Reda forment un jeune couple en herbe. Ils sont «officieusement» fiancés depuis à peu près 3 ans. Ils ont programmé, comme chaque année, leurs congés en même temps. Ils sont fin prêts à partir en voyage. Dernier détail et pas des moindres à régler : où loger, ensemble bien sûr.
Ils ne sont pas à leur premier voyage et donc ils ont leurs petites astuces pour ne pas avoir à présenter des pièces justificatives de leur union officielle. Déjà, selon le jeune couple, «il faut viser les hôtels 4 étoiles et plus, jamais les petits hôtels de mauvaises réputations».
lls ont pris le départ de Casablanca, la semaine dernière, en direction de Fès. Nous avons suivi leur périple de très près. Première étape : réserver.

Effectivement, ils appellent un hôtel 4* à Fès et réservent pour Monsieur et Madame X (pour plus de discrétion). A l’autre bout du téléphone, on leur demande de confirmer la réservation par fax. Chose qu’ils ont faite. Une fois sur place, le réceptionniste de l’hôtel les regarde un moment et avant de procéder à la vérification de la réservation, il leur demande «Vos cartes d’identité je vous prie et une copie de votre acte de mariage». Aïe ! «Nous n’avons pas sur nous notre acte de mariage, nous n’allons tout de même pas le trimballer sur nous tout le temps», bluffe Reda. Et là tombe la sentence, «désolé monsieur, nous avons des consignes fermes et nous ne pouvons vous loger dans ces conditions», rétorque le réceptionniste. En bons perdants, le jeune couple se retire sans faire d’histoire. Autre hôtel, cette fois d’un meilleur standing. Ils prennent le téléphone pour réserver, mais cette fois en précisant qu’ils arrivent dans la demi-heure. Pour éviter tout désagrément, nos jeunes prennent deux chambres. La réceptionniste prend le soin de leur fournir deux chambres à des étages différents.

C’est le soir, ils sortent dîner. Nos tourtereaux ne reviennent que vers 2h00 du matin. Le hall de l’hôtel est désert. Tranquilles, en petits malins, ils prennent l’ascenseur et se dirigent tous deux vers une seule chambre. Jusque-là tout va bien. «Un quart d’heure après, le téléphone de la chambre sonne. C’est Samia qui décroche puisque c’est censée être sa chambre et là on la prie courtoisement de congédier le monsieur qui est en sa compagnie. «A croire qu’ils mettent des caméras dans les couloirs pour espionner leurs clients, ils n’ont pas le droit de faire ça !», raconte honteux Reda. «C’est légitime, l’hôtelier a le droit d’utiliser tous les moyens adéquats pour faire respecter la loi», répond maître Hakim Rafiâ, avocat à Casablanca.

Revenons au périple de nos deux hors la loi. Ils s’exécutent et décident de quitter Fès dès le lendemain matin. Direction Marrakech, c’est réputé être plus «cool». A leur grand damne, le premier hôtel 5* les refoule gentiment.
ls ne se résignent pas et tentent tout de même un autre 5*. Cette fois, ils sont reçus avec les honneurs, seul détail auquel ils ont fait très attention pour ne pas avoir de mauvaises surprises par la suite : l’adresse. Sur les fiches de renseignement de l’hôtel, ils ont veillé à transcrire la même, celle de Reda. Au bout de deux jours, en demi pension dans un hôtel de luxe, la bourse du duo a commencé à en pâtir. Changement de cap, direction un riad dans l’ancienne médina.

Première adresse, niet hors question de les héberger. Quelques rues plus loin, un autre riad, plutôt discret, leur souhaite la bienvenue sans qu’on leur pose la moindre question. «Comme quoi, il n’y a pas de règles, c’est à la tête du client. Le plus bizarre c’est que, par exemple à Fès, nous avons été à plusieurs reprises aux mêmes hôtels et nous n’avons eu aucun problème !», commente Reda.

Cela se vérifie parfaitement, quand on rencontre des jeunes couples bel et bien mariés à qui on exige de présenter l’acte de mariage dans n’importe quel établissement hôtelier au Maroc, alors que comme rouspète Aïda, «je porte clairement une alliance et mon mari aussi.

Et on se permet de nous demander des comptes». Cette contradiction existe aussi dans les propos des hôteliers eux-mêmes. Khadija Oualhaz, chef de projet au Mansour Eddahbi à Marrakech, est catégorique : «Dans notre établissement, nous exigeons systématiquement l’acte de mariage de n’importe quel couple qui se présente chez nous. Même en présence d’enfants, on n’est jamais assez prudent».

Un autre hôtelier, plus au nord, précisément à Tanger, par contre ne nie pas qu’il existe des dépassements ou ce qu’il appelle «Nous fermons les yeux parfois quand ce sont des gens propres, pas fichés chez la police notamment». En parlant de police, «ils ne pardonnent pas quand ils font une descente quel que soit le standing de l’établissement. Les contrôles ne sont pas réguliers, ils peuvent intervenir à n’importe quel moment.

Il y a des fois où une moindre inattention ou erreur de jugement d’un des employés à l’accueil coûte très cher», commente l’hôtelier tangérois.
Ceci étant, la loi ne rigole pas à ce sujet et les peines encourues par les couples non mariés et les propriétaires d’établissements hôteliers sont importantes (cf. encadré). Gare aux fraudeurs !

Accusés ceux qui ont fraudé et ceux qui les ont logés

• Article 490 du code pénal :
Sont punis de l’emprisonnement d’un mois à un an, toutes personnes de sexe différent, qui, n’étant pas unies par les liens du mariage ont, entre elles, des relations sexuelles.

• Article 503 :
Est puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de vingt mille à deux cent mille dirhams, à moins que le fait ne constitue pas une infraction plus grave, quiconque tolère l’exercice habituel et clandestin de la débauche par des personnes se livrant à la prostitution dans des locaux ou emplacements non utilisés par le public, dont ils disposent à quelque titre que ce soit.

Fatim-Zohra H. Alaoui
LE MATIN

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