Tunisie-Maroc: des anecdotes et des souvenirs agréables et amères

Le derby classique qui opposera le Maroc à la Tunisie dans le cadre des éliminatoires combinées du Mondial et de la CAN 2006, se joue également entre supporters, fans tunisiens et marocains, avant et après le jour J. Et pour cause, les récits, les anecdotes et les souvenirs sont captivants et parfois à dormir debout.

Cette rencontre, qui fait couler beaucoup d’encre, occupe le devant de la scène et une place de choix dans la chronique tant locale qu’internationale.

Ce bras de fer, qui a défrayé la chronique, donne aussi du fil à retordre aux pronostiqueurs les plus avertis, d’autant plus les arcanes et les dédales du football qui n’obéit à aucune logique sont inextricables et quasi-inaccessibles.

Ce genre de compétition intéresse profanes et initiés. A Tunis, dans les cafés et autres lieux publics, les rencontres entre Marocains et Tunisiens sont dominées par des discussions émaillées d’anecdotes sur les performances, les chances, les prouesses de jadis, les exploits individuels et le palmarès des deux équipes. Il n’y a pas de temps morts, des Tunisiens en ont parlé abondamment en fumant le narguilé et en sirotant un verre de café ou de thé lors de la première soirée ramadanesque, sans négliger aussi les à-côtés.

Fans tunisiens et marocains s’y attardent et y prêtent attention. Ils ont des atomes crochus bien qu’ils deviennent frères ennemis pendant 90 minutes seulement. Sans être cocardiers, ils se renvoient l’ascenseur avec des propos qui ne franchissent jamais les bornes ou vont au-delà de ce qui est convenable.

Les nostalgiques reviennent sur le passé des deux équipes. Ils ont ouvert leurs miroirs pour sortir de leurs archives des photos en noir et blanc illustrant les prouesses techniques des joueurs comme Témime, Agrebi, Attouga, Tarak Diab… côté tunisien, et Bamous, Petchou, Mutapha Yaghcha, Faras, Acila, Allal, Moulay Driss, Slimani, Maaroufi, Dolmi, Timoumi, Zaki… côté marocain, voire des documents évocateurs des souvenirs aussi agréables qu’amers: un penalty raté, un match gagné au gré du hasard (à pile ou face), une erreur fatale de l’arbitre etc… Ils invoquent des arguments à l’appui de leurs dires pour prouver que leur équipe respective était la plus forte et dans ce genre de joute, la mémoire ne faille que rarement.

La victoire par tirage au sort des Marocains reste en travers la gorge des Tunisiens pour lesquels cette loterie s’apparente à l’injustice et porte atteinte à la concurrence loyale et à l’égalité des chances exigées pour le bon déroulement des compétitions sportives, toutes épreuves confondues.

Quand il était ministre tunisien de l’Education et de la Formation, avant d’être nommé ambassadeur de Tunisie à Paris, l’ex-international tunisien et ancien joueur de Sfax, M. Raouf Najjar, évoque à chaque rencontre, en marge des activités tant nationales qu’internationales, les matches légendaires entre la Tunisie et le Maroc et ces tirages au sort qui ont souri aux Marocains (à l’époque ou le règlement de la FIFA ne prévoyait pas les tirs au but), le 22 janvier 1961 à Palerme et le 13 juin 1969 à Marseille après deux matches d’appui comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde.

Des Tunisiens et Marocains parlent plus de l’actif que du passif. Les Tunisiens évoquent, notamment, le match décisif d’El Menzah où le gardien de but Attouga a arrêté le penalty de Faras le 9 janvier 1977, permettant à son équipe de franchir un sérieux obstacle et contribuant à la qualification des poulains de Chétali au Mondial 1978 en Argentine.

Des Marocains répliquent du tac au tac et affirment que les joueurs marocains ont aussi marqué des buts d’anthologie contre le grand gardien Attouga. Ils insistent, en outre, sur le fait que la victoire n’a été remportée à El Menzah que grâce à une erreur de l’arbitre qui aurait dû ne pas valider l’arrêt de Attouga car le portier tunisien avait avancé de quelques centimètres de sa cage avant le tir de Ahmed Faras. D’ailleurs, l’ex-coach tunisien Abdelmajid Chétali l’avait lui-même avoué avant la finale de la CAN 2004, dans une déclaration au supplément du quotidien tunisien Le Temps.

Les penalties exigent toujours un travail quotidien et très spécifique.

Les entraîneurs professionnels en conviennent. Et comme le match, Tunisie-Maroc (éliminatoires du Mondial 78) se jouait à Tunis, j’ai fait un clin d’oeil à Attouga pour avancer quelques centimètres de la cage au moment où Faras s’apprêtait à tirer le penalty, a confié Chétali au journal qui rendait compte des anecdotes chétaliennes avec le Maroc. Vous connaissez la suite. J’ai joué sur la psychologie de l’arbitre car il n’osait pas décréter un second penalty à l’encontre de l’équipe locale qui jouait de surcroît dans un stade plein à craquer , a-t-il ajouté.

Revenant aux éliminatoires combinées de la CAN et du Mondial 2006, on relève du côté marocain que les deux équipes n’avaient pas les mêmes chances, car après plusieurs matches, la donne a changé en faveur de la Tunisie qui a joué contre le Kenya à huis-clos et des joueurs presque démotivés. Les joueurs kenyans avaient même observé un sit-in pour réclamer leurs indemnités de trois semaines et des équipements adéquats alors qu’ils étaient en stage de préparation en prévision du match contre la Tunisie. En conclusion, on constate que les deux équipes ont le même potentiel.

Aucune n’est à la portée de l’autre et aucun groupe n’a l’ascendant psychologique sur l’autre. Les deux méritent d’être qualifiées, mais le hasard du calendrier en a décidé autrement car la championne d’Afrique ( 3 participations au Mondial ) et son challenger, le Maroc (4 participations) croisent le fer directement et indirectement dans le même groupe.

Les deux équipes se valent. Elles ont de l’étoffe et les moyens de battre les équipes les plus huppées. Que le meilleur gagne.

Source : Menara – Mohamed Fannane

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