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La maladie mentale, une souffrance pour tous les proches

C’est pour redresser cette situation et rendre compte du désarroi des familles des malades mentaux que cette association multiplie les rencontres avec le public et la presse. Objectif, sortir de l’ombre une maladie qui évolue dans un silence total.

Samedi dernier, au cœur même de l’association, la parole a été donnée aux familles et aux spécialistes pour exorciser cette souffrance qui frappe de plein fouet tous les membres de la famille du malade.

Entre l’indifférence des pouvoirs publics et le dénigrement de la société, les malades arrivent avec beaucoup de mal à se trouver une place dans un environnement miné par les clichés et les fausses idées sur cette pathologie. Il est courant de penser que les malades mentaux sont potentiellement dangereux et violents. «La maladie mentale a toujours fait peur. Il est temps de briser les tabous et de dénoncer le mythe de la violence qui colle à ces troubles. Il faut que les gens sachent que les malades sont capables de s’intégrer dans la société et qu’ils méritent d’avoir cette chance.

L’association est là pour s’acquitter de cette tâche», affirme Naïma Trachen, présidente de l’association, elle-même mère d’un jeune homme souffrant de troubles psychiques.

En effet, qu’ils aient fait des études poussées ou qu’ils aient obtenu des diplômes, ils sont toujours considérés comme des personnes anormales et sont, partant, marginalisés. Leur entourage préfère fermer les yeux sur leur intelligence pour ne voir que leur maladie. Cette maladie qui peut frapper n’importe qui à n’importe quel âge. Bien plus que le malade lui-même, la famille pâtit beaucoup plus de cette stigmatisation.

«Quand mon fils Mehdi a été diagnostiqué schizophrène à l’âge de 15 ans, notre vie a changé. Son frère auquel il était très attaché a mal vécu cette rupture soudaine. Aujourd’hui, Mehdi a 31 ans et il est toujours malade. Ses frères et sœurs soufrent en silence. J’ai moi-même été hospitalisé deux fois pour cause de dépression», témoigne Mme Trachen.

Cette souffrance, Mme Rachad, l’a vécue pour une autre raison. Quand son fils, inculpé dans une affaire de violence a eu besoin d’être hospitalisé suite à une crise, l’hôpital a refusé de l’admettre, pensant qu’il voulait juste échapper à la sentence. Les malades mentaux ne sont pas toujours admis en urgence.
«En France, les médecins des urgences ne peuvent pas refuser des malades. Au Maroc c’est différent. Le manque d’infrastructure ne facilite pas la vie, ajoutons à cela le manque de textes juridiques. Les lois en Frances ont été conçues pour aider à alléger la souffrance des familles alors qu’au Maroc ce n’est pas le cas», souligne le docteur Mouhcine Benyachou, psychiatre.

En l’absence d’une prise en charge de la part du ministère de la Santé et des centres spécialisés, les familles se substituent le plus souvent aux institutions sanitaires. Une question trotte dans l’esprit de ces personnes sans jamais trouver de réponse. «Pourquoi les cliniques privées fleurissent dans toutes les spécialités sauf mentales ?». A l’exception de quelques centres spécialisés, les familles peinent à assurer à leurs enfants une prise en charge décente. «La souffrance de la famille évolue en fonction de l’état du malade. Au Maroc, le manque de moyens thérapeutiques accentue leur supplice», souligne le docteur Benyachou.

La lourdeur et surtout la longueur du traitement de cette maladie chronique découragent les malades décidant de rompre leur thérapie. Ce qui aggrave leurs cas et les condamne, dans les cas extrêmes, au vagabondage et à l’errance. «Qu’adviendra-t-il de nos enfants et de nos proches quand nous ne serons plus là pour eux ?» Telle est la question «existentielle» qui hante les familles et à laquelle ils ne trouvent pas de réponse.

Cette inquiétude est d’autant plus intense qu’à chaque fois qu’ils s’adressent à une institution étatique, ils se heurtent à un mur de silence. «L’Etat ne fait rien pour nous aider. Nous avons des promesses de la part du secrétariat d’Etat chargé de la Famille, de l’Enfance et des Personnes handicapées mais nous n’avons encore rien vu de concret», se plaint Naïma Trachen, présidente de l’association «Al Oumnia».

Et Lakbira Chatire, inspectrice d’orientation et secrétaire générale de l’association, de renchérir : «Les dahirs qui garantissent aux enfants le droit aux soins restent lettre morte. Dans la loi sur les handicapés, qui va être votée, le handicap mental n’est pas pris en compte. Nous revendiquons de prendre part à la discussion de cette loi. La prise en charge des handicapés mentaux garantit la dignité des malades et de leurs familles». Et des revendications, les responsables de l’association en ont de tout ordre.

Faire de la santé mentale une priorité de la santé publique et respecter les droits des personnes souffrant de troubles psychiques en protégeant leurs intérêts et ceux de leurs familles sont érigés en urgence.
Les familles revendiquent également le droit à l’information concernant l’état du malade ainsi qu’une implication optimale dans l’explication des traitements et des effets indésirables.

Lutte contre la violence à l’encontre des malades mentaux, une meilleure intégration dans la société, un traitement spécial pour les malades qui se retrouvent en prison (étant donné qu’ils sont fragiles et faciles à manipuler), droit des familles à participer à des cours de formation par des professionnels sont autant de revendications que formule l’association. Ils attendent de tomber dans une oreille attentive.
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Al Oumnia, un véritable espoir
Née, en 2001, du désarroi des familles de malades mentaux adolescents et adultes face à l’absence totale de structures publiques ou privées adaptées à leur accueil et leur accompagnement, Al Oumnia, association des parents et amis des malades mentaux, a été créée pour sensibiliser à la problématique de la maladie mentale et mettre en œuvre des approches novatrices.

Le Maroc compte près de 300.000 schizophrènes dont 40 à 50.000 à Casablanca, et ce pour 2.000 lits en structures psychiatriques publiques dont uniquement 200 à Casablanca.

Un tel bilan laisse comprendre l’immensité du poids qui pèse sur les familles, les plus pauvres en particulier. Consciente de l’existence d’un fort potentiel social, l’association développe des partenariats dans quatre grands champs d’intervention : l’accueil de jour pour jour les malades, l’accueil prolongé et l’accueil permanent, l’accueil, l’écoute et l’implication des familles, la mobilisation sociale autour de la problématique de la maladie mentale au Maroc.

Kenza Alaoui
LE MATIN

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