Le débat dérape à la Chambre des conseillers

Les scènes qui se répètent depuis le début de la session du printemps témoignent d’un véritable malaise au sein des groupes parlementaires et d’une réalité qui trahit l’inconsistance du jeu politique. L’image du pouvoir législatif au Maroc s’en ressort noircie. Pourquoi une telle excitation des députés qui, emportés par leurs joutes oratoires, finissent par choquer l’opinion publique ?

Lors de la séance plénière de la Chambre des conseillers, tenue mardi dernier, le trouble s’est emparé de l’hémicycle. Chaque député voulait imposer son opinion au président. Parfois, les échanges sont tellement musclés que les députés manquèrent d’en arriver aux insultes, voire même aux mains à l’intérieur de la coupole.

Le président, qui tentait à chaque fois de prendre en main la situation, paraissait agacé, voire désemparé. Ses décisions, quoiqu’elles soient fondées sur le règlement interne, n’étaient pas pour plaire à bon nombre de conseillers. Le brave homme était manifestement dans une impasse. Les agissements incontrôlables des députés le dépassaient. D’ailleurs, il ne cessait pas de répéter sur un ton irrité : Je ne fais qu’appliquer le règlement interne . Paroles qui semblaient atterrir dans de sourdes oreilles.

La plupart des quelques conseillers présents voulaient appliquer sa propre loi. Chacun désirait, en effet, intervenir quand il souhaitait, et ce au mépris de l’ordre du jour et des autres parlementaires qui avaient le droit à la parole. Nombreux sont ceux qui voulaient s’exprimer et imposer leur volonté. Après eux, le déluge ! Les élus criaient haut et fort pour faire passer leurs messages.

Leur objectif, dans la majorité des cas, est de pointer du doigt un ministre d’une autre formation politique ou de défendre un membre du gouvernement qui appartient au même parti. La séance plénière est-elle devenue un rendez-vous pour régler les comptes ?

Tout a commencé quand Saïd Tadlaoui, président du groupe démocrate (PND), a évoqué le secteur de l’agriculture, notamment le problème de la commercialisation du blé, en signalant, malicieusement, qu’il n’a pas l’intention de politiser le dossier. La réplique ne tarda pas à fuser. Mohamed Jouahri, député du Mouvement populaire, a senti que son ministre est visé. Il a pris la parole pour le défendre en annonçant que la commission de l’agriculture était censée se tenir jeudi 15 juin. Le ministre est venu, mais il n’a trouvé que trois conseillers. Il ne faut pas le critiquer gratuitement , s’offusque M. Jouahri. Le ton était monté d’un cran.

Le président demandait à chaque fois de couper le son pour que les téléspectateurs ne soient pas choqués par le comportement de leurs élus. Asseyez-vous ! Ce n’est pas en semant le trouble qu’on devient un chef , disait le président. Cependant, tout le monde semblait ignorer ses paroles.

Beaucoup d’interrogations viennent à l’esprit en assistant à ces faits désolants. Comment des parlementaires qui ne respectent pas le règlement interne de leur institution peuvent-ils veiller au respect des lois qui touchent au destin des millions de citoyens ?

Les tentatives du président de faire régner l’ordre ont fini par échouer face à l’insistance de Mustapha El Mansouri, député du Mouvement national populaire, de s’exprimer. Vaincu, le président a levé la séance pour l’accomplissement de la prière d’Al Asr alors qu’il restait encore vingt minutes à cette prière. Une délivrance momentanée qui reflète une réalité désastreuse du Parlement !

Jihane Gattioui

LE MATIN

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