Un mur de la honte pour séparer les Etats-Unis et le Mexique

Agé de 18 ans, Guillermo Martínez Gutiérrez est une victime de plus de l’aberration des grandes puissances impérialistes, victime des frontières, des murs, des barbelés, de parties de chasse à l’homme acharnées, avec armes et chiens. En bref, victime de la loi du plus fort contre le sans-défense et victime de l’impunité pour ceux qui tuent. Dans les colonnes d’Excélsior, l’écrivaine mexicaine Maruxa Vilalta ne cache pas son dégoût après la mort d’un de ses compatriotes à la suite de blessures infligées par un garde-frontière américain lors de sa tentative d’entrer illégalement aux Etats-Unis. Une mort de plus, qui a choqué le Mexique et fait de Guillermo Martínez Gutiérrez un symbole de la situation tragique qui prévaut à la frontière américano-mexicaine.

L’administration Bush veut renforcer le dispositif de contrôle de sa frontière sud-ouest grâce à une législation draconienne sur l’immigration. Alors que le débat sur l’immigration occupe le devant de la scène aux Etats-Unis, le président et les membres majeurs des deux partis ont subi des pressions pour qu’ils trouvent un équilibre entre le désir de contrôler les flux illégaux d’individus à travers les frontières et les besoins du monde des affaires en main-d’œuvre bon marché, explique le Los Angeles Times.

Le 16 décembre dernier, la Chambre des représentants américaine a voté par 239 voix contre 182 une nouvelle loi sur l’immigration, qui rend plus difficile l’entrée dans le pays et l’obtention d’un travail pour les clandestins. Le délit de séjour en situation irrégulière devient un crime fédéral, et les employeurs doivent vérifier auprès du ministère de la Sécurité intérieure que leurs employés sont en situation régulière. Les employeurs qui embaucheraient volontairement des travailleurs clandestins seront passibles de lourdes amendes, note le Washington Post. Le texte devrait subir certains changements lors de son passage au Sénat, notamment en ce qui concerne la légalisation de travailleurs clandestins. Pour entrer en vigueur, la loi devra encore être ratifiée par le président Bush.

Le texte prévoit la construction d’un mur de sécurité de 1 100 kilomètres le long de la frontière avec le Mexique. Les Etats-Unis dépenseraient alors plus de 2,2 milliards de dollars [1,8 milliard d’euros] pour construire cinq doubles clôtures frontalières en Californie et en Arizona. Cette partie de la loi est passée sans problème par 260 voix contre 159 malgré le fait que les démocrates ont dénoncé le plan de construction d’un mur de Berlin du xxie siècle entre les Etats-Unis et ses voisins, rapporte le Los Angeles Times.

Pour l’écrivain et analyste politique Victor Flores Olea, s’exprimant dans El Universal, ce mur de 1 100 kilomètres que l’on a proposé de construire à notre frontière, un mur qui laisserait ‘libres’ les zones les plus difficiles d’accès pour nos immigrés, entraînera inévitablement encore plus de morts parmi les Mexicains qui s’aventureront à la recherche du ‘rêve américain’ de l’autre côté de la frontière. Ce mur révèle une fois de plus la mentalité xénophobe et complètement discriminante à l’égard de l’autre, cet autre étant nos compatriotes attirés par l’illusion d’un travail plus lucratif par-delà la frontière. Des compatriotes qui ont contribué par millions à la richesse des Etats-Unis, occupant des métiers que refusent et n’exercent plus les Américains. Dans ce contexte d’une loi établissement un mur pour frontière, relève le Los Angeles Times, pour beaucoup de Mexicains, la mort de Martínez Rodríguez est particulièrement exaspérante.

Au Mexique, dans la perspective de l’élection présidentielle de l’été 2006, la question migratoire est également un thème politique majeur. Cette semaine, un groupe de parlementaires mexicains a déclaré que la mort de Martínez Rodríguez est ‘le résultat de la politique de soumission’ du gouvernement Fox au Etats-Unis. Plusieurs sénateurs ont plaidé en faveur d’une tactique de pression contre Washington notamment par un boycott mexicain des produits américains, note d’ailleurs le LA Times.

De son côté, le candidat de l’Alliance pour le bien de tous, Andrés Manuel López Obrador, cité par le quotidien mexicain de gauche La Jornada, s’en est pris violemment au président Vincente Fox et a plaidé pour un changement de politique économique, l’échec de celle menée actuellement étant la cause de l’émigration vers les Etats-Unis. Il est honteux de voir que le président Fox, par sa persistance à maintenir la même politique économique qui ne bénéficie qu’aux élites du pouvoir, n’a pas l’autorité morale ou politique pour affronter l’ignominie d’un mur frontalier, pour protester après la mort de migrants. L’échec de la politique économique néolibérale est l’échec de la politique migratoire du président. Chiffres à l’appui, Andrés Manuel López Obrador indique que depuis le début du gouvernement de Fox, plus de 2 millions de Mexicains ont quitté le pays.

El Universal rapporte que les ministres des Affaires étrangères du Mexique, de plusieurs pays d’Amérique centrale, de Colombie et de la République dominicaine ont adopté, le 9 janvier, à Mexico, un plan commun relatif au traitement de leurs compatriotes, en vertu de la législation américaine sur l’immigration. Le document dénonce la criminalisation du phénomène migratoire mais, signe de l’impuissance politique de ces nations, le document ne sera pas présenté officiellement à Washington.

Victor Flores Olea rappelle dans le même journal que la Commission permanente du Congrès a exprimé récemment son ‘rejet absolu des méthodes fascistes, xénophobes, violant les droits de l’homme et des traités internationaux’ contenues dans la législation en matière d’immigration approuvée par la Chambre des représentants des Etats-Unis. Et on ne peut qu’être d’accord avec le président de la Commission mexicaine des Droits de l’homme, José Luis Soberanes, quand il affirme qu’avec la construction du mur frontalier, le gouvernement américain semble rivaliser avec le régime de l’Allemagne nazie.

Le Los Angeles Times précise pour sa part que des centaines de gens meurent chaque année en traversant illégalement la frontière, la plupart succombant aux rigueurs du désert. Durant ces trois dernières années, d’après le sénateur mexicain Raymundo Cardenas, ‘plus de Mexicains sont morts à la frontière avec les Etats-Unis que d’Allemands pendant l’existence du mur de Berlin’.

Quant au quotidien Milenio, il accuse : Pour le ministère de la Défense des Etats-Unis, la frontière avec le Mexique n’est pas seulement une question de sécurité. La zone est devenue un grand laboratoire militaire, une zone dans laquelle les forces armées peuvent s’entraîner dans les mêmes conditions climatiques que de l’autre côté du monde, au Moyen-Orient, avec de véritables adversaires comme les narcotrafiquants et les passeurs.

Courrier international.

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