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Deep Impact, percuteur de comète, attaque le 4 juillet

Quitte à commettre une injustice. La première agression commise par les hommes contre l’intégrité d’un corps céleste vise en effet un vagabond qui ne nous veut aucun mal. La comète Tempel 1, découverte à Marseille en 1867 par un Allemand qui lui a laissé son nom, voyage loin de la Terre, entre les orbites de Mars et de Jupiter. Elle a poussé la discrétion jusqu’à disparaître longtemps, avant qu’un Américain la retrouve, dans les années 1960, sur une trajectoire qui avait été modifiée par l’influence gravitationnelle de la planète géante. S’il atteint son but, le projectile que lui destine l’Agence spatiale américaine ne devrait pas causer autant de bouleversements à son trajet. Les scientifiques s’attendaient à ce que sa révolution de plus de cinq années autour du Soleil ne soit raccourcie que d’une seconde sous l’effet de l’impact. Les expériences de déviation de l’orbite d’un astre menaçant sont donc à venir. Pour l’heure, la NASA préfère relativiser l’ampleur du choc en évoquant la collision entre un moustique et un 747 .

Les conséquences locales ne doivent toutefois pas être anodines, parce que le moustique en question pèse 372 kg et qu’il devait percuter sa cible lundi matin 4 juillet à 7 h 56, heure de Paris, à une vitesse de 37 000 km/h. Vingt-quatre heures avant cet impact, il se sera préalablement séparé de la sonde qui le porte depuis leur lancement commun, le 12 janvier. Celle-ci doit le suivre à distance tandis qu’il plonge vers Tempel 1. Au moment prévu pour le choc, prudemment en retrait à 500 kilomètres, elle doit relayer vers la Terre les dernières images de la caméra embarquée dans la masse de cuivre de l’impacteur. Puis ne disposer que de quelques minutes pour filmer les conséquences de l’abordage, grâce à ses deux propres caméras, dont l’une a avoué, en cours de route, une myopie rectifiée depuis la Terre par l’informatique.

Ensuite, si l’opération à 330 millions de dollars réussit, devrait se déclencher une mobilisation sans précédent des capacités d’observation de la planète. Les plus grands télescopes et d’innombrables astronomes amateurs chercheront tout au long de la journée à évaluer l’ampleur du coup en étudiant la luminosité de la comète qui passera dans le ciel à une distance à peine inférieure de celle qui nous sépare du Soleil. Les plus mal placés au moment de l’impact, tels les quatre miroirs du VLT de l’European Southern Observatory (ESO), au Chili, espèrent obtenir une compensation : la plupart des scientifiques prédisent qu’un choc provoquerait des réactions qui accroîtront, au fil des heures, l’éclat de l’astre. Des vedettes de l’espace, tels le télescope Hubble ou la sonde Rosetta, elle-même en route pour sa rencontre de 2014 avec la comète Churyumov-Guerassimenko, seront aussi mises à contribution. Si la mission réussit, Tempel 1 aura ainsi accédé en quelques heures à la notoriété des comètes le plus en vue : Halley, à qui la sonde Giotto rendit visite dès 1986, Hale-Bopp, ou encore Shoemaker-Levy 9, dont les morceaux avaient tuméfié Jupiter en s’y écrasant, en 1994.

Au-delà de cette gloire personnelle, Tempel 1 permettra-t-elle de mieux comprendre le grand inconnu de la famille des comètes, le noyau caché par la luminosité de la queue, qui peut prendre l’aspect double d’un jet de gaz et d’un panache de poussières ? A en juger par les incertitudes des spécialistes avant l’impact, elle ne peut qu’y contribuer. La taille de Tempel 1, environ 14 kilomètres sur 5, n’est qu’une estimation. Sa vitesse de rotation sur elle-même n’est pas beaucoup plus précise. Sa masse et sa densité, très certainement inférieure à celle de l’eau, demeurent inconnues. Quant aux effets de la collision, ils varient au gré des métaphores des astronomes. Deep Impact peut-elle creuser un cratère grand comme un terrain de football, comme un court de tennis ? Mystère. Certains envisagent que le noyau soit poreux au point de pouvoir absorber le coup en se tassant, comme de la pâte à modeler.

L’image souvent utilisée de la boule de neige sale n’est pas la plus pertinente , explique François Colas, de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (Observatoire de Paris, CNRS). Elle donne une idée trop compacte de l’objet. Il faut imaginer une sorte d’omelette norvégienne recouverte d’une croûte plus noire que notre goudron, qui protège l’intérieur, mais dont les anfractuosités laissent passer les rayons du Sole il. Ceux-ci vont subli mer la glace qui se trouve en dessous. Cette transformation directe en gaz explique la formation de la queue à l’approche du Soleil. Sous cette seule influence, certaines comètes finissent par se casser toutes seules, preuve de la fragilité du mélange de poussières et de glace d’eau. La réaction de Tempel 1 à la collision doit donc dépendre de sa constitution : Est-elle faite d’un seul bloc ou ressemble-t-elle à un tas de graviers et de glaces rassemblés par la gravitation ?, s’interroge M. Colas.

Une chose est sûre cependant. Sous la croûte, qu’un engin humain est en mesure de casser pour la première fois, les astronomes s’attendent à trouver le témoignage le plus direct de la pâte avec laquelle a été sculpté le système solaire. Le matériau agrégé dans les planètes s’est profondément modifié, celui contenu dans les astéroïdes s’est également altéré. Seul le coeur des comètes, formées dans la lointaine périphérie du disque primitif de matière, a pu congeler la pureté des origines. Les observations que nous allons mener, si l’impact réussit, peuvent être en mesure de valider les déductions que nous tirons de nos analyses du contenu chimique de la queue, se réjouit Jacques Crovisier de l’Observatoire de Paris-Meudon.

Dans les jours qui précédaient l’impact, les ingénieurs de la NASA se gardaient, eux, de tout enthousiasme scientifique et de tout lyrisme sur l’accès à nos origines. Ils se contentaient d’espérer que Deep Impact répondrait avec exactitude à cette angoissante question balistique : comment viser à coup sûr un objet dont on ignore les contours précis ? C’est un projectile qui doit toucher un autre projectile avec un troisième projectile, résumaient-ils pour faire entendre la complexité de la mission.
Jérôme Fenoglio
source:lemonde

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