L’Espagne porte un nouveau regard sur le Maroc

Luis Planas : Cette huitième réunion de haut niveau qui va avoir lieu les 5 et 6 mars est, dans un certain sens, la culmination d’une période de travail solide entre nos deux gouvernements et nos deux pays. Une délégation ministérielle très importante va accompagner le premier ministre. Vous vous rappelez qu’en avril 2004, M. Zapatero, en tant que président du gouvernement, avait fait son premier déplacement à l’extérieur au Maroc.

L’actuelle rencontre intervient trois ans après cette date. Au Maroc, les élections législatives auront lieu en septembre prochain. En Espagne, les élections législatives sont programmées pour mars 2008. De ce point de vue, il s’agit d’une rencontre de bilans et aussi de défis. Les deux parties vont voir comment les choses ont évolué pendant cette dernière année et vont aussi rétablir les lignes fondamentales pour le futur.

Justement quel est le bilan des relations lors de ces trois dernières années et quels sont aussi les défis ?

Pendant les trois dernières années, les relations entre l’Espagne et le Maroc sont révélées solides et stables, bâties sur la confiance. On peut examiner les différents aspects.

D’un côté, il y a une proximité évidente entre nos deux rois. La proximité existe aussi entre nos deux gouvernements au niveau politique.

Nous partageons tous les grands défis du moment.

On a entamé une voie de dialogue, d’échange et de communication. C’est un changement radical par rapport au passé et qui suppose une bonne manière de régler les problèmes. Pratiquement, tous les ministres du gouvernement espagnol ont une liaison permanente avec leurs homologues marocains.

Nous l’avons constaté dans les grands dossiers. Nous collaborons ensemble autour de grands dossiers qui nous intéressent : l’immigration, le terrorisme…

Au niveau économique, je crois qu’il suffit de jeter un coup d’œil sur les résultats de l’année dernière.

On enregistre un accroissement des échanges commerciaux de plus de 20 %.

De plus en plus d’entreprises espagnoles font le pari sur le Maroc.

D’un autre côté, la communauté marocaine a augmenté d’une manière significative en Espagne qui compte 650.000 Marocains.

C’est la première communauté étrangère dans notre pays.

Lors de ces dernières années, un effort de coopération très significatif est déployé.

Nous avons fait un pari pour appuyer le gouvernement du Maroc aussi bien au niveau économique qu’au niveau de la coopération. A l’heure actuelle, l’Agence espagnole de coopération internationale développe un nombre très important de projets au Maroc.

Des projets dont on ne parle pas beaucoup…

Pour cette année 2007, on a un pari de débloquer 650 millions de dirhams. C’est un chiffre très important.

Comment promouvoir la coopération économique entre les deux pays ?

On est très intéressé par le partenariat futur et les défis qui nous attendent.

Votre pays est en train de changer.

Le pari économique s’impose du point de vue de la mise en œuvre d’un traité d’association avec l’union européenne dont les échéances seront en 2012. Nous sommes dans le champ de ce processus de libéralisation et de développement économique.

Les défis sociaux viennent en troisième lieu.

Comment faire le développement politique et économique en maintenant la stabilité de la société ?

C’est l’origine de la philosophie de l’Initiative nationale pour le développement humain.

Ainsi, nous avons orienté notre coopération vers les grands défis des secteurs de base : santé, éducation, l’eau…

Au niveau de la coopération économique, on a deux volets: public et privé.

Le premier est celui de notre coopération sous forme de fonds de développement ou de prêts pour réaliser des projets.

Lors des derniers trois ans, la section économique de l’ambassade relève un intérêt croissant des entreprises pour le Maroc dans tous les secteurs : textile, agriculture, télécoms, tourisme, immobilier…

Le Maroc intéresse.

L’Espagne a toujours joué un rôle dans le dossier du Sahara. Que pensez-vous du projet d’autonomie que le Maroc a élaboré ?

Une délégation officielle marocaine conduite par le ministre de l’Intérieur marocain, Chakib Benmoussa, a visité il y a quelques semaines l’Espagne. Le gouvernement espagnol a affirmé que votre proposition, quand elle sera présentée, pourrait être la base d’un dialogue pour la communauté internationale et pour les négociations directes entre les parties dans le cadre de l’ONU. Comme par le passé, en tant que pays ami, nous sommes en train d’essayer d’appuyer un dialogue pour mettre fin à une question qui bloque beaucoup de développement du futur.

Lors du gouvernement Aznar, il existait entre le Maroc et l’Espagne beaucoup de points de discorde. N’y a-t-il pas de craintes si la droite accéderait une autre fois au gouvernement en Espagne ?

Je pense que les rapports entre nos deux pays doivent dépasser les échéances électorales. Bien sûr, il peut y avoir des nuances et des différentes approches. Je suis ambassadeur au Maroc depuis 2004. Je crois que les relations sont très positives. Du point de vue de la coopération bilatérale, nos deux pays ont des intérêts communs. Les sujets communs sont très nombreux. Aussi, est-il normal que les relations soient positives. Nous avons des engagements communs. Le plus important c’est la façon de discuter sur la base d’une confiance mutuelle.

Comme je l’ai déjà souligné, l’Espagne porte un nouveau regard sur le Maroc et le Maroc porte aussi un nouveau regard sur l’Espagne.

La lutte contre le terrorisme est l’un des dossiers d’intérêt commun entre le Maroc et l’Espagne. Comment voyez-vous le partenariat dans ce domaine ?

Le partenariat se manifeste à plusieurs niveaux. On ne peut pas accepter que des gens mettent en danger la vie et la stabilité des citoyens simplement par ce qu’ils veulent imposer par la force ce qu’ils n’ont pas pu faire par la conviction intellectuelle et politique. Dans ce sens, nos services de sécurité collaborent étroitement et on voit les résultats.

S’agissant du dossier de l’immigration, l’Espagne va-t-elle prendre de nouvelles mesures ?

La résolution de la question de l’immigration repose sur un panier de mesures et approches complémentaires. Ni l’Espagne ni aucun autre pays développé ne peut permettre la rentrée illégale des migrants dans ses territoires car c’est un danger, du point de vue social. Mais en même temps, il faut comprendre que ce n’est pas uniquement à travers la lutte contre l’immigration clandestine qu’on trouvera la réponse aux problèmes profonds.

Je crois qu’on a réussi à trouver un bon équilibre entre, d’un côté, l’aspect de sécurité et de contrôle au niveau de nos frontières et d’un autre côté, le volet de coopération qui offre aux Marocains une immigration légale grâce à des contrats de travail, sous la protection du Maroc et de l’Espagne.

Dans le cadre de la coopération entre l’ANAPEC et le service d’emploi espagnol, lors des derniers mois, 7.000 travailleurs marocains ont bénéficié de contrats dans différentes catégories.

Par ailleurs, l’immigration subsaharienne est un autre problème qu’on partage. Un troisième volet relatif au développement s’ouvre.

C’est à travers le développement qu’on peut donner une réponse à ce problème.

Le sujet va être débattu lors de la huitième commission.

PROPOS RECCUEILLIS par jihane gattioui

LE MATIN

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