Le Souverain préconise une vaste stratégie panafricaine pour le développement

Louange à Dieu,

Prière et salut sur le Prophète,

Sa famille et Ses compagnons,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Il nous plaît de nous adresser aux participants à cette session de l’Université d’Eté Al Moatamid Ibn Abbad, organisée dans le cadre du Forum d’Assilah, qui s’est affirmé au fil des années, comme un espace de dialogue serein, un cadre d’échanges fructueux et une enceinte de débat constructif autour des grandes questions culturelles, politiques et sociales.

En choisissant de débattre du thème : «Le projet des Etats-Unis d’Afrique : quel avenir ?», et en décidant de faire de cette manifestation l’occasion de commémorer le centenaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, un des plus éminents défenseurs de l’Afrique et de son identité culturelle, et parmi les plus fervents apôtres de l’intégration régionale, le Forum d’Assilah confirme sa vocation africaine constructive, ainsi que l’attachement du Royaume du Maroc à faire sienne et à développer cette vocation.

Nous saisissons cette occasion pour réitérer, en toute déférence, l’estime profonde que nous portons à ce leader historique, à l’intellectuel engagé, et sans doute, à l’un des pionniers de la littérature africaine, qui ont défendu la diversité culturelle de leur continent. Chantre parmi les chantres de la négritude et fier, comme eux, d’y appartenir, Senghor, grâce à la vision perspicace qui fut la sienne, a érigé ce mouvement culturel en véritable idéologie politique africaine.

Défenseur acharné du métissage, il définit l’Africanité comme la “ symbiose complémentaire des valeurs de l’arabité et des valeurs de la négritude ” et considérait que la fondation de l’unité africaine sur la seule base de l’anticolonialisme fragilisait les chances de succès du projet panafricain.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Riche de ses multiples affluents, l’identité du Maroc compte des spécificités africaines, qui n’ont cessé de se renforcer, à travers les liens divers et multiséculaires qui unissent le Royaume à son continent, et qui se sont approfondis à la faveur d’une lutte commune contre les affres du colonialisme et d’une aspiration partagée pour un lendemain meilleur. Depuis son indépendance, le Maroc a constitué un terreau favorable à l’épanouissement de la conscience collective panafricaine. Outre le fait d’avoir abrité la première conférence dédiée à l’unité africaine, il a joué, en effet, un rôle majeur en faveur de nombreux mouvements de libération africains qui y ont trouvé les conditions appropriées pour mener leur combat en faveur de la liberté et de l’émancipation.

De même, la Conférence de Casablanca, qui a eu lieu à l’aimable initiative de notre auguste grand-père, feu Sa Majesté le Roi Mohammed V, que Dieu l’ait en Sa Sainte Miséricorde, a été la première à défendre l’idéal d’une unité africaine, jetant ainsi les bases de l’action africaine commune et permettant une harmonisation des visions et une coordination des efforts pour assurer aux peuples africains les conditions d’une vie digne, et à l’abri de la peur et du besoin. Les participants à cette rencontre historique nourrissaient l’ambition d’une nouvelle ère, celle d’une Afrique émancipée, libre et résolument tournée vers l’avenir.

Notre auguste père, feu Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme, alors qu’il venait d’accéder au Trône, a réuni en avril 1961, la Conférence des Mouvements de Libération des colonies sous domination portugaise en Afrique.

Aujourd’hui encore, “l’esprit de Casablanca” garde toute son ambition et son actualité et devrait inspirer notre réflexion et notre action pour assurer un meilleur avenir à notre continent.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

L’euphorie qui a régné au lendemain de l’indépendance des pays africains a, rapidement, cédé le pas à la désillusion, et le rêve d’unité et de solidarité caressé par leurs leaders a été, sitôt, brisé. Cet état de choses s’est fait jour sous l’effet combiné d’une conjoncture internationale marquée par l’affrontement bipolaire, d’un système économique et financier inéquitable, de la montée de visions nationalistes étroites, de la primauté de tentations hégémoniques et de politiques socio-économiques défaillantes.

L’Afrique a fini, donc, par rater le pari de l’intégration régionale, et s’est éloignée de l’idéal de l’unité authentique. En effet, le continent africain continue de cristalliser les maux de notre monde, qui y prennent, souvent, l’allure de crises aigues. Les conflits régionaux, les guerres internes, la famine, la sécheresse, les déplacements forcés, les pandémies meurtrières, et les violations des droits de l’Homme constituent le quotidien d’une large partie de la population des Etats africains.

La situation économique du continent et le faible engagement de la communauté internationale compromettant la réalisation des objectifs de développement du Millénaire en Afrique, comme la généralisation de l’enseignement et la réduction du seuil de la pauvreté, deux finalités qui ne sauraient se concrétiser dans l’état actuel des choses.

De plus, l’Afrique fait face à des défis considérables en matière de sécurité. Près de la moitié des Etats de notre continent sont, parfois, et depuis de très longues années, confrontés à la guerre. Bon nombre d’entre eux ont été, de ce fait, le théâtre de conflits armés menaçant des régions dans leur ensemble, sans oublier les pandémies et les maladies meurtrières qui constituent les ingrédients d’une “guerre permanente”.

Si aucune approche de développement humain et économique n’a été développée pour appréhender la problématique démographique, qui représente l’un des défis majeurs pour notre continent, la dette cumulée des pays africains ne cesse, quant à elle, de s’accroître. Le continent se trouve ainsi prolongé dans un tourbillon de violence et d’extrémisme, et sa jeunesse acculée à emprunter le chemin d’une émigration massive, anarchique et hautement périlleuse, tant pour la vie des individus que pour la stabilité des Etats.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Devant cette situation critique, deux choix incontournables sont possibles : l’un, fataliste et passif, juge que “ l’Afrique, c’est trop compliqué ” et que tous les remèdes ont été épuisés pour sortir le continent de la situation de détresse dont il pâtit.

L’autre choix, celui que le Royaume du Maroc prône et défend, depuis toujours, rejette la logique de “l’afro-pessimisme” et appelle à une action solidaire, déterminée, volontariste et imaginative pour l’émergence d’une “nouvelle Afrique”.

Car, loin de se résumer à cette face sombre, le continent africain recèle de grandes potentialités et des ressources naturelles et humaines considérables. Ce sont là autant d’atouts qui permettront à notre continent plein de générosité et imprégné de l’esprit de solidarité de réussir à s’imposer par la mise en œuvre de réformes courageuses. Les multiples “histoires réussies” dans les différentes sous-régions africaines confirment que les facteurs d’épanouissement démocratique et de progrès socio-économique dans le continent semblent l’emporter sur les facteurs de régression et d’immobilisme.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons poser les jalons d’une stratégie de développement intégrée du continent, permettant aux Africains de vivre à l’abri de la peur et du besoin, et d’échapper au couperet de la misère et des maladies infectieuses. Le salut du continent passe irrémédiablement par une intégration alliant pragmatisme et ambition et tirant parti du potentiel extraordinaire dont regorge l’Afrique.

En effet, l’harmonisation des efforts d’intégration régionale dans un projet fédérateur constitue la condition sine qua none pour le resserrement des solidarités et l’atténuation des tensions. Profondément attaché à notre continent et confiant en son avenir, nous nous engageons à œuvrer inlassablement pour alerter, sensibiliser et catalyser les volontés.

A cet égard, toute réflexion sur “les Etats-Unis d’Afrique” ne saurait se concevoir pleinement sans le renforcement des structures sous-régionales, qui devraient constituer le leitmotiv de toute action africaine commune. Elle passe également par une intégration politique crédible et consensuelle prenant en compte les impératifs du respect des constantes nationales, de l’intégrité territoriale des Etats, du bon voisinage et de la sécurité collective.

L’objectif ultime de l’intégration de notre continent est de permettre aux pays africains d’aboutir à une complémentarité de leurs économies respectives et de rassembler leurs capacités, leurs ressources et leurs énergies pour un développement axé sur les idéaux d’unité et de solidarité, devenus incontournables face au défi d’une mondialisation tous azimuts.

De même, il conviendrait de développer une coopération sud-sud fructueuse, mutuellement bénéfique, fondée sur le partage des expériences et prospectant des mécanismes novateurs, tels que la coopération décentralisée, le partenariat entre secteurs privés, les alliances économiques stratégiques et la coopération triangulaire.

Toute stratégie développée, à cet égard, devrait consacrer la centralité du facteur humain. La jeunesse africaine, jusqu’ici négligée, constitue un véritable vivier de croissance qu’il convient d’intégrer par le biais de politiques audacieuses dans les secteurs de l’éducation, de la formation et de l’emploi.

Les tournées que Nous avons effectuées depuis notre intronisation dans plusieurs pays africains frères, procèdent de cette vision qui aspire à mobiliser les ressources et les énergies pour appuyer et consolider l’irréversibilité des processus de stabilisation régionale, de développement socio-économique, de démocratisation et de modernité dans le continent.

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Que l’on rende hommage à ses leaders charismatiques qu’animaient une ambitieuse vision panafricaine, dont Léopold Sédar Senghor, voilà qui devrait inciter les générations africaines actuelles à se prévaloir de cette veine panafricaine et à assumer les responsabilités qui leur incombent, en poursuivant les combats engagés contre la pauvreté, la marginalisation sociale, les maladies dévastatrices, l’analphabétisme, la corruption et la mauvaise gouvernance.

Ce serait aussi une noble manière de remercier et rendre hommage à ces leaders, et exprimer la haute estime dans laquelle nous les tenons. Ils avaient, en effet, rêvé d’une Afrique politiquement stable et démocratique, économiquement développée et intégrée, socialement solidaire et généreuse, et respectueuse des droits et de la dignité de ses citoyens.

Pour conclure, Nous souhaitons la bienvenue aux participants à cette importante rencontre, rendons hommage au Forum d’Assilah pour ses initiatives constructives, et formons le vœu que vos travaux soient couronnés de succès.

Wassalamou alaikoum wa rahmatoullahi wabarakatouh.

Mohammed VI, Roi du Maroc

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