La scolarisation des détenus mineurs : Une école derrière les barreaux

Mohamed Choujaâ, son professeur, détaché par le ministère de l’Education nationale et œuvrant sous la juridiction de l’académie de Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi, s’occupe de la coordination entre les institutions pénitentiaires et les établissements scolaires au niveau de la ville de Casablanca et de sa région. Sa mission consiste à assurer le suivi de la scolarisation des élèves du Centre de manière à ce qu’ils puissent poursuivre leurs études une fois hors des murs de la prison.

La procédure est simple. A la fin de sa peine, le détenu contacte Mohamed Choujaâ qui, lui, formule une demande qu’il dépose dans le dossier du requérant et remet à l’académie pour permettre à l’élève d’intégrer son école normalement.

« De cette manière», explique-t-il, «l’élève ne perd pas ses années d’étude au centre. Et ce, conformément à une circulaire ministérielle s’inscrivant dans le cadre de la politique de réinsertion adoptée par les institutions pénitentiaires du royaume». Une politique qui veut que la prison ne soit pas un lieu de punition mais de réinsertion.

Ce nouveau mode de prise en charge des délinquants contribue à ce que ces derniers bénéficient d’une scolarisation normale au sein des prisons pour mineurs qui se placent, désormais, dans une logique éducative et non répressive. Aussi, dès son arrivée au centre, le détenu remplit un formulaire comportant toutes les indications concernant son niveau scolaire, l’établissement où il étudiait, la date où il a débuté ses études, l’académie dont il relève… autant de données qui permettent au coordinateur de contacter l’école pour procéder à des vérifications concernant sa scolarisation.

Contrairement aux autres élèves, en situation normale, qui empruntent le chemin de l’école, pour les détenus du centre, ce sont école et enseignants qui viennent vers eux. Trois classes d’alphabétisation existent sur place ainsi que les niveaux de 7e, 8e et 9e année, avec un tronc commun : première et 2e année du baccalauréat.

Et ce n’est pas la volonté de poursuivre leurs études qui manque aux détenus mineurs. La plupart des jeunes, qui se retrouvent entre les murs de la prison pour des délits plus ou moins graves, optent pour les études. La preuve de cet engouement en est le taux élevé de réussite au sein de cette institution carcérale, qui est de 90% au titre de l’année scolaire 2005-2006. Quant aux bacheliers, ils ont été inscrits en Faculté de droit de Mohammedia et de Ben M’Sick.

Pour l’année scolaire 2006-2007, 150 élèves figurent déjà sur les listes. Lequel chiffre n’est pas définitif puisque les inscriptions restent ouvertes toute l’année. Le centre connaît un mouvement incessant d’entrées et de sorties de détenus. Ceux qui arrivent au milieu de l’année scolaire prennent le train en marche.

Toutefois, si dans ce centre le volet inscription est bouclé, les études n’y ont pas démarré pour autant. Les 18 professeurs (toutes matières confondues) qui assureront les cours sont toujours attendus.

Pour débloquer la situation, Assia El Ouadie, militante des droits humains, responsable des centres de réforme et de rééducation pour mineurs, membre de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus et membre fondateur de l’Association des amis de centres de réforme, s’affaire dans tous les sens. A coup de correspondances adressées aux plus hautes sphères du pouvoir, elle tente d’activer la convention de partenariat avec le ministère de l’Education, conformément à la circulaire 3-597 du 7 décembre 2004, adressée aux délégués dudit ministère.

«Cette convention œuvre pour l’intégration des institutions carcérales dans la carte éducative en vue d’activer les conventions de partenariat entre le ministère de la Justice, le secteur de l’Education, le secrétariat d’Etat chargé de l’Education non formelle et de l’alphabétisation et de la Fondation Mohammed VI pour l’intégration des détenus», explique Assia El Ouadie.

Emise en 2004, cette convention n’a commencé à prendre forme qu’en 2005 avec l’action soutenue de cette grande militante. D’année en année, les textes de loi trouvent une meilleure application sur le terrain. Malgré tous ces efforts, le pari de la scolarisation des mineurs incarcérés n’est pas gagné d’avance. Les acteurs sociaux sont souvent sollicités pour relever ce défi. Et ce n’est pas Mostapha Hamry, directeur du Centre de réforme et d’éducation de Casablanca, qui dira le contraire.

«Nous veillons au sein du centre à l’éducation des mineurs et à l’application des programmes culturels, sportifs, d’éducation et de formation professionnelle. En tant que premier responsable à l’intérieur de l’institution, d’un point de vue juridique et sécuritaire, il m’incombe d’assurer la coordination avec les associations. Je pense qu’il faut impérativement impliquer la société civile et la faire participer à l’action éducative du détenu», préconise-t-il.

Cette recommandation ne tombe pas dans les oreilles de sourds. Chaque année, mécènes et acteurs de la société civile se mobilisent pour rendre le rêve des études en prison possible aux centaines de détenus qui s’accrochent à leur scolarisation. Cette année, les espoirs sont portés sur le gouverneur de la commune de Aïn Sebaâ pour procurer les fournitures scolaires aux détenus mineurs. Très coopératif, l’homme semble prêt à œuvrer dans ce sens.

Kenza Alaoui

LE MATIN

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