La Chine poursuit ses efforts pour parvenir à une solution acceptable au Sahara

Le Matin du Sahara : Monsieur l’ambassadeur, le Maroc et la Chine célèbrent cette année près d’un demi siècle d’amitié. Le Maroc, en effet, après sa libération avait été parmi les tout premiers à reconnaître la République populaire de Chine. Quel regard jetez-vous sur cette longue amitié?

CHENG TAO : Le Royaume du Maroc est le 2e pays africain à reconnaître la République populaire de Chine. Depuis l’établissement des rapports diplomatiques en 1958, les relations amicales entre nos deux pays se sont développées sans entraves sur la base de la confidence et du respect mutuels, de l’égalité et de l’avantage réciproque.

La Chine et le Maroc ont resserré leurs liens politiques, maintenu des échanges de visites de haut niveau ainsi que des contacts personnels fréquents, développé rapidement leurs rapports économiques et commerciaux, entretenu une coopération fructueuse dans les autres domaines et intensifié, chaque jour davantage, leurs concertation et coordination dans les affaires internationales. Je me félicite du développement des relations d’amitié et de coopération entre nos deux pays et reste également convaincu que l’amitié sino-marocaine sera de plus en plus profonde au fur et à mesure du renforcement de la coopération entre nos deux pays dans tous les domaines.

La coopération bilatérale a été, c’est le moins que l’on puisse dire, exemplaire entre nos deux pays, si proches même en étant loin l’un de l’autre. Alors que les régimes politiques sont différents, des relations de toutes sortes se sont développées. Qu’en dites-vous ?

Le monde est diversifié avec plusieurs civilisations, religions et régimes. La Chine préconise toujours la coexistence pacifique entre les systèmes sociaux, le respect mutuel entre les religions et l’inspiration réciproque entre les civilisations pour que cent fleurs s’épanouissent et que cent écoles se rivalisent dans le but de réduire des conflits, d’éliminer des guerres et de réaliser la paix et le progrès de l’humanité. Respectant le peuple marocain dans son choix du système social du pays, nous développons la coopération amicale avec le Maroc sur les plans politique, économique, culturel, éducatif et sanitaire.

Nous apprenons mutuellement et nous nous complétons l’un l’autre dans la recherche du « gagnant-gagnant ». Restant fidèles à l’amitié avec le peuple marocain, nous nous engageons à augmenter les échanges de différents niveaux, à développer la connaissance mutuelle et à intensifier davantage la coopération réciproque.

Deux vieilles nations, deux civilisations, le Maroc et la Chine sont constamment confrontés à la problématique du double défi de la tradition et de la modernité. Pensez-vous que cela puisse constituer un quelconque dilemme, pour ne pas dire un handicap?

La Chine, comme le Maroc, bénéficie d’une longue histoire, d’une civilisation et de sa propre tradition.

C’est une richesse précieuse pour nous. Cependant, l’humanité progresse indépendamment de la volonté de l’homme, alors la civilisation doit aussi être développée sans cesse. Nous devons nous inspirer de bonnes choses des autres nations pour nous enrichir et nous développer.

Si la Chine a fait des progrès pendant ces derniers 30 ans, c’est parce qu’elle a insisté sur la politique de réforme et d’ouverture, s’est inspirée des expériences d’autres pays sur la gestion, la technique et les systèmes politique et social.

Elle a introduit des capitaux et des personnes étrangères qualifiées. En même temps, nous veillons à garder notre tradition. Je fais ici une comparaison : nous ouvrons nos fenêtres après avoir installé des moustiquaires pour faire entrer de l’air frais en empêchant des moustiques et des mouches de s’infiltrer. Donc, la tradition et la modernité ne sont pas pour ainsi dire contradictoires.

La présence de la Chine au Maroc qui se caractérise par une coopération diversifiée, notamment à travers les missions techniques, médicales et aujourd’hui économiques et humaines a toujours constitué une donnée incontournable. Quelle est sa réalité de nos jours ?

La coopération sino-marocaine porte des fruits abondants. Le commerce entre les deux pays s’est développé rapidement.

En 2004, les échanges commerciaux bilatéraux se sont élevés à 1,16 milliard de dollars, soit une croissance de 35 % par rapport à 2003.

En 2005, le volume de ces échanges a atteint 1,48 milliard de dollars, avec une augmentation de 28 % contre l’année passée. En septembre 2005, la société chinoise « Sinochem Corporation » et l’Office Chérifien des Phosphates ont signé un accord commercial en vertu duquel la Chine achètera annuellement du Maroc 800.000 tonnes d’engrais phosphatés pour la période 2007-2011.

Les deux parties ont signé également un Mémorandum d’entente pour la réalisation au Maroc d’un projet de joint-venture de fabrication de l’acide phosphorique.

La coopération entre la Chine et le Maroc dans les domaines de la pêche et des travaux publics a connu des réussites remarquables. A nos jours, l’investissement de la Chine dans le domaine de pêche au Maroc s’est élevé à 150 millions de dollars. Les joint-ventures sino-marocains de pêche disposent de 70 navires avec plus de 2.000 employés marocains. Sur le plan des travaux publics, les sociétés chinoises prennent part activement à l’édification des infrastructures au Maroc. « ZTE Corporation » et « Huawei Technologie » ont contribué au développement du secteur des télécommunications du Maroc en offrant des équipements de bonne qualité et de bon marché. La coopération bilatérale dans le domaine médical et sanitaire a enregistré de bons résultats.

L’année 2006 marque le 31e anniversaire de l’envoi des équipes de médecins chinois au Maroc. On compte actuellement 121 médecins chinois répartis dans 12 villes. En outre, la partie chinoise prend en charge sous forme de crédit à un taux d’intérêt préférentiel le projet de 6 polycliniques d’un montant de 125 millions de yuans RMB (environ 135 millions de dirhams), dont les travaux ont déjà commencé en avril dernier.

Sur le plan des ressources humaines, la coopération sino-marocaine a obtenu de nouveaux résultats. En 2004, la Chine a formé, pour le compte du Maroc, 24 personnes de toutes catégories. En 2005, le nombre a été doublé. De janvier à septembre de cette année, une centaine de cadres marocains ont participé aux formations de diverses disciplines organisées par la partie chinoise, dont 40 cadres et techniciens du textile. Il est prévu que le nombre arrivera à 200 personnes au terme de l’année.

La coopération sino-marocaine a une large perspective. L’agriculture est un domaine prioritaire de la coopération bilatérale. Les deux parties se sont mises d’accord pour développer la coopération dans le domaine de la culture du riz, de l’irrigation, de la mécanisation agricole et du dessalement de l’eau. Le tourisme constitue un autre domaine de coopération prioritaire entre la Chine et le Maroc. A l’occasion de la dernière visite d’Etat de Monsieur le Président Hu Jintao au Maroc en avril dernier, les deux parties ont signé un mémorandum d’entente sur la réalisation du plan pour le voyage de groupes organisés des Chinois au Maroc. En 2005, 32 millions de Chinois sont allés à l’étranger comme touristes. Je souhaite que 5 à 10 % des touristes chinois puissent venir au Maroc dans les années à venir.

J’ai la conviction que, grâce aux efforts conjugués des deux parties, le développement des relations d’amitié et de coopération entre la Chine et le Maroc aura un meilleur avenir.

La Chine est membre permanent du Conseil de sécurité, elle y joue un rôle modérateur, apparenté à une mission pacifique. Elle a récupéré le territoire de Hongkong par un accord politique, elle revendique Taïwan pour parachever son intégrité territoriale. La similitude nous incline à demander comment le gouvernement de la République populaire de Chine conçoit-il une solution au problème du Sahara marocain ?

La position de la Chine sur le problème du Sahara est conséquente. Nous espérons qu’une solution acceptable pour les parties concernées pourra être trouvée au moyen du dialogue et de concertations dans le cadre des Nations unies dans le but de sauvegarder la paix et la stabilité de la région et de réaliser le développement commun. Nous poursuivons nos efforts pour qu’une solution judicieuse et définitive au problème du Sahara puisse être trouvée le plus tôt possible.

L’avènement de la Chine sur les plans économique et technique est devenu un sujet intarissable pour les Occidentaux qui lorgnent de plus en plus vers ce nouveau géant mondial. Quelle place réservez-vous à vos relations avec les moyens et petits pays, notamment en Afrique ?

L’amitié sino-africaine remonte loin dans l’histoire et repose sur un socle solide. La Chine était, est et sera toujours une amie sincère de l’Afrique. Renforcer sa solidarité et sa coopération avec les pays en voie de développement dont les pays africains, c’est de tout temps l’une des pièces maîtresses de la politique extérieure d’indépendance et de paix de la Chine. Fermement attachés au maintien et à l’épanouissement de l’amitié traditionnelle sino-africaine, nous veillons à établir et à développer un nouveau type de partenariat stratégique avec l’Afrique, caractérisé par l’égalité et la confiance réciproque sur le plan politique, la coopération conduite dans l’esprit gagnant-gagnant sur le plan économique et le renforcement des échanges sur le plan culturel.

Le « Forum sur la coopération sino-africaine », créé en 2000, constitue d’ores et déjà un mécanisme efficace de dialogue collectif et de coopération multilatérale pour la Chine et l’Afrique, en même temps que le cadre essentiel et la plate-forme du nouveau partenariat sino-africain. Au début de novembre de l’année courante, le Sommet de Beijing et la 3e Conférence ministérielle du Forum se tiendront à Beijing, ce qui constitue un événement d’importance dans le développement des relations entre la Chine et l’Afrique.

Le gouvernement chinois adoptera de nouvelles mesures dans le cadre du Forum afin de renforcer et de développer encore davantage ses relations d’amitié et de coopération avec l’Afrique, à savoir continuer à fournir, dans la mesure de ses moyens, des aides au développement en faveur des pays africains et de les augmenter progressivement en fonction du niveau de développement de son économie, multiplier ses efforts en vue de l’annulation de dettes gouvernementales des pays pauvres très endettés et des pays les moins avancés africains arrivant à échéance, ouvrir davantage son marché à l’Afrique en augmentant, sur la base existante, les catégories des produits bénéficiant de l’exemption des droits de douane des pays les moins avancés africains ayant des relations diplomatiques avec la Chine, renforcer les échanges et la coopération agricole en ce qui concerne notamment la culture céréalière, l’élevage, l’irrigation, la pêche, les machines agricoles, la transformation des produits agricoles, ainsi que la coopération dans les domaines de ressources humaines, d’éducation, de culture, de médecine et santé, de tourisme, etc.

Je voudrais dire que le Maroc est un acteur important au Forum sur la coopération sino-africaine. Nous nous félicitons de la prochaine participation de M. le Premier ministre Driss Jettou au Sommet de Beijing.

Une Conférence des hommes d’affaires africains et une Exposition des produits des pays africains auront lieu à Beijing en marge du Sommet de Beijing et de la 3e Conférence ministérielle du Forum. Je souhaite que les amis marocains, en profitant bien de cette occasion, y prennent part plus activement afin de se faire la connaissance aux autres et de faire venir au Maroc de plus en plus d’investissements et de touristes chinois.

Propos recueillis par Hassan Alaoui | LE MATIN

lematin.ma

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