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Fès, la ville phare du mouvement pour l’indépendance du Royaume

La ville qui avait abrité la signature du traité du protectorat français sur le Maroc, le 30 mars 1912, a été également le théâtre de luttes, de rébellions et de prise de conscience de la part de jeunes intellectuels patriotes et fidèles à Feu SM le Roi Mohammed V qui, dès son intronisation en 1927, avait ouvertement soutenu les revendications des nationalistes marocains.

Le traité du Protectorat tel qu’il a avait été signé entre la France et le Sultan Moulay Hafid, fut dénaturé dans ses principes et vidé de son contenu, ce qui a crée un malaise social qui a atteint son paroxysme des années plus tard avec la promulgation, le 16 mai 1930, du dahir berbère.

Ce climat général provoqué par les agissements de la puissance colonisatrice avait ainsi poussé le plus naturellement du monde des centaines de jeunes cadres et étudiants marginalisés et exclus de l’évolution du pays à s’engager dans la lutte pour la préservation des valeurs religieuses et politiques irréversibles du Royaume et à revendiquer d’abord les réformes socio-économiques et ensuite l’indépendance du pays.

Les historiens estiment par conséquent, qu’on ne peut pas parler de cette épopée de la résistance nationale sans évoquer la ville de Fès. Car les pionniers du nationalisme marocain qui sont originaires de la ville sont certes les Oulémas de l’université Quaraouiyne, en particulier Mohammed Bel Larbi Alaoui, connu sous le nom de Cheikh Al Islam et son disciple Allal Al Fassi, fondateur du mouvement national et, en 1937, du parti de l’Istiqlal ainsi que des lauréats du collège Moulay Idriss tel que le fondateur du parti du mouvement populaire, Mohammed Ben Hassan Ouazzani.

Dans son ouvrage le Maroc face aux impérialismes (1415-1956), Charles André Julien écrit que l’université Al Quaraouine et le collège Moulay Idriss sont deux prestigieuses institutions transformées en bastions de la résistance patriotique contre l’occupation étrangère et note que des quarante et un dirigeants du mouvement nationaliste entre 1921 et 1944, seize sortaient de la Quaraouine et six n’avaient pas dépassé les écoles coraniques. Contrairement aux espérances de Lyautey, les collèges musulmans furent des pépinières d’opposants.

Selon l’historien, le nationalisme ne put se concevoir et se développer que dans le cadre de l’islam. Le croyant, dont la vie religieuse règle la vie sociale et le comportement individuel, ressent l’emprise étrangère comme une violation permanente de sa civilisation qui fait corps avec sa foi.

C’est donc la religion qui a exalté le patriotisme. Elle a suscité dès l’année 1925, la constitution d’un mouvement de jeunes leaders qui seront le 11 janvier 1944, les premiers signataires du manifeste de l’indépendance à savoir, Allal Al Fassi, Chou’Aib Doukkali, Abou Mohammed Jabiri, Mokhtar Soussi, Omar Sahili, Omar Benabdeljalil, Ahmed Bahnini, Ahmed Hamiani Khatat, Hachmi Filali, Mohammed Fassi, Mohammed Laghzaoui, Ahmed Zeghari, Ahmed Mekouar et Abdelkrim Ghellab.

Dès cette époque, le mouvement pour l’indépendance gagne de l’ampleur, explique pour sa part dans un entretien à la Map, l’universitaire Mohammed Ben Abdel Jalil, spécialiste de la littérature marocaine médiévale et d’histoire politique du Maroc.

Selon lui, les étudiants de la Quaraouine étaient de grands orateurs et avaient organisé des jallassates sensibilisant les habitants de la médina, dont les artisans, aux réformes nécessaires au pays, la préservation de la religion et l’amour de la patrie ainsi que la nécessité de l’indépendance du Royaume.

Contrecarrer les complots de la Résidence
De jeunes cadres des autres villes assistaient également au sein de l’université Quaraouine à ce genre de débats qui ont abouti à la constitution de cellules secrètes puis à la création, en mai 1934, du comité d’action marocaine par Allal Al Fassi, Mohammed Ouazzani et Ahmed Balafrej et à la publication, en novembre de la même année, d’un plan de réformes immédiates soumis officiellement au résident général, Charles Nogues.

Les femmes n’étaient pas en reste dans ce mouvement revendicatif et s’étaient montrées actives, à l’instar d’Aïcha Kabbaj, Habiba Bourkadi, Aïcha Sekkat, Malika Fassi et Zhor Lazrak qui sont aujourd’hui considérées comme les figures féminines du nationalisme marocain. Lauréates de Dar Lafki’a et du lycée Oum Al Banine, elles s’étaient mobilisées pour encadrer dans les quartiers et les maisons les femmes de la Médina de Fès.

D’ailleurs, rappelle le professeur Ben Abdel Jalil, Malika Fassi a joué un rôle prépondérant en faisant des navettes quotidiennes entre Fès et Rabat pour rapporter des nouvelles. Elle a réussi, malgré les barrages, à se rendre dans la capitale et s’infiltrant au palais royal, elle avait remis à Feu SM le Roi Mohammed V, la nouvelle allégeance rédigée par le comité provisoire du parti de l’Istiqlal pour contrecarrer les complots de la Résidence.

C’est aussi grâce à Aïcha Diouri, de nationalité française, qu’une revue en langue arabe Al Atlas a pu voir le jour à Fès malgré les interdictions des autorités du Protectorat de bannir tout organe de presse marocain. Toutefois, ajoute-t-il, les nationalistes Mohamed Bel Hassan Ouazzani et Hadj Omar Bel Abdeljalil, faisant leurs études à Paris, sont parvenus à créer la revue Al Maghreb financée en grande partie par Feu Hadj Ahmed Mekouar qui fut exilé de Fès par la Résidence pour son soutien aux combattants de la cause nationaliste.

Cette cause si vivace a été jusqu’en octobre 1955, date du retour d’exil du Père de la nation, Feu SM le Roi Mohammed V, la raison de vivre des Marocains. Elle fut des années durant, une lutte sans merci, entre les nationalistes et la Résidence française, pour atteindre son apogée le 20 août 1953, date de la déposition du regretté Souverain.

L’interdiction des partis de l’Istiqlal et du Mouvement Populaire issus du mouvement national scindé en 1937 ainsi que la déportation de ses deux dirigeants, Allal Al Fassi et Mohammed Ouazzani, le premier au Gabon et le second au sud du Maroc, ont été accueillies par des slogans tel que : Vive le Roi, vive l’indépendance scandés par les manifestants cheminant entre la mosquée Rcif et l’université Quaraouyne. Les arrestations, par la suite, des personnalités nationalistes, dont Ahmed Balafrej et Lyazidi, en janvier 1944 à la suite de la présentation du manifeste de l’indépendance fait descendre les habitants de Fès dans la rue. Les commerces sont restés fermés et la Médina fut mise à sac.

Des affrontements sanglants se poursuivront pendant plusieurs jours entre les habitants de Fès et les forces de l’ordre. Des artisans tombent et la répression s’acharna contre l’intelligentsia de l’université Al Quaraouyne et le collège Moulay Idriss où une partie des enseignants fut destituée et les élèves de philosophie de Fès arrêtés en bloc.

Tous les quartiers et les ruelles de Fès étaient devenus des espaces vitaux de sensibilisation, de création et d’orientation du mouvement de l’indépendance. Et, la Quaraouyne, un foyer de culture spirituelle et politique inculquant la sauvegarde des valeurs sacrées d’une dynastie, d’un peuple et d’une nation.

Source : Menara – Scheherazade Alaoui

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