Attentats kamikazes de Casablanca : priorité aux jeunes

Ces événements sont d’une extrême gravité, et nous interpellent en tant que citoyens marocains. D’abord, comment des jeunes de notre pays n’ont pas hésité à faire le sacrifice suprême en s’ôtant volontairement la vie. Dans le cas du 16 mai 2003, ils ont également causé des dizaines de morts et de blessés innocents. Ces attentats risquent également d’installer un climat d’insécurité dans la ville et de ternir l’image de notre pays à l’extérieur. Il faut tout d’abord remarquer que ce phénomène n’est pas spécifique au Maroc. Il a débuté dès 1993 avec l’attaque contre le World Trade Center à New York, puis s’est répandu en Algérie, en Tunisie, en Arabie Saoudite, en Espagne, en Angleterre et dans d’autres pays.

Les causes du terrorisme international sont multiples : politiques, idéologiques, économiques et sociales. Les causes politiques sont à rechercher principalement dans la persistance du conflit israélo-arabe et dans l’invasion américaine de l’Afghanistan et de l’Irak. Ce qui explique que les principaux attentats visent les intérêts américains et ceux de leurs alliés : Europe et pays arabes modérés.

L’idéologie s’est emparée des problèmes politiques pour exacerber le conflit entre l’Occident et le Monde musulman, afin d’opposer les deux civilisations.

C’est ainsi que le Monde arabo-musulman se pose en victime des actes et de l’arrogance de l’Occident.

A cela s’ajoutent de graves problèmes économiques et sociaux que connaissent les pays arabo-musulmans du fait de l’insuffisance du développement humain. Tout ce tableau, sur un fond de médiatisation extrême grâce aux chaînes de télévision satellitaires et à l’Internet.

Ces mêmes causes du terrorisme sur le plan international se retrouvent dans notre pays.

Les jeunes qui commettent les actes terroristes au Maroc sont issus pour la plupart de quartiers défavorisés de la ville et n’ont reçu qu’une éducation médiocre.

Que les actes kamikazes aient lieu seulement à Casablanca peut s’expliquer par le fait que la capitale économique est la plus riche du pays, et où les inégalités sociales sont les plus criantes.

Ces jeunes sans travail, sans loisirs, sans espoir d’avenir, soumis à la médiatisation télévisuelle et Internet, sont une proie facile pour les recruteurs.

Ces derniers n’ont pas de difficulté à les endoctriner en se servant de la religion. Le plus impardonnable est qu’ils arrivent à les convaincre que s’ils meurent en Chouhada , ils accéderont au paradis éternel.

Ils doivent également leur promettre de subvenir aux besoins de la famille après le suicide.

Les arguments idéologiques et politiques ne sont pas absents du discours des recruteurs. Ces derniers font valoir que l’Occident s’est perverti dans les valeurs morales, et notamment au niveau des mœurs.

La seule façon de retourner au droit chemin est l’institution d’un Etat islamique appliquant la loi divine la Charia. Sur le plan politique, ils n’ont pas de difficulté à montrer le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël au détriment des pays Arabes. Ils mettent en exergue également l’occupation du territoire musulman par les Américains (Afghanistan et Irak) et les exactions qu’ils y commettent vis-à-vis de la population civile. C’est ce qui explique que les kamikazes de Casablanca ont visé un hôtel de tourisme, un foyer juif, le Consulat et le Centre culturel américains.

Que faire devant cette situation ?

Il est tout d’abord légitime que la société marocaine se défende devant ces agissements préjudiciables aux individus comme à la collectivité des gens. On peut se féliciter que la population dans son ensemble condamne ces méfaits et collabore avec les services de sécurité.

Ces derniers doivent renforcer leur vigilance et leurs moyens pour empêcher tout nouvel acte de ce type. Mais ce volet sécuritaire n’est pas suffisant.

Une politique globale et urgente doit être mise en place pour combattre ce fléau. Il y a lieu tout d’abord d’éradiquer tous les bidonvilles et les logements insalubres qui quadrillent nos villes et accélérer la mise en œuvre de l’INDH, dont le principal objectif est l’éradication de la pauvreté. Il faut établir une véritable politique pour les jeunes : éducation, formation, loisirs. Il faut absolument promouvoir les emplois-jeunes par tous les moyens, car tout jeune qui s’intègre dans le monde du travail est sauvé.

Prenons le cas poignant du jeune écrivain marocain Abdallah Taïa intitulé. Ce natif de Salé a été approché par les islamistes à 17 ans et n’a réussi à sauver sa vie que grâce à sa mère et sa passion pour le cinéma. Le ministère de la Jeunesse et des Sports doit être réhabilité, dans le prochain gouvernement, avec des moyens financiers substantiels. Afin de combattre l’extrémisme religieux, des cours, des conférences doivent être organisés dans les écoles et les mosquées, prêchant le véritable Islam de paix et de tolérance, et retransmis à la radio, à la télévision et sur Internet.

Enfin sur le plan de la politique extérieure, notre pays doit se démarquer le plus possible de la politique actuelle américaine au Moyen-Orient et contribuer efficacement à la résolution des problèmes palestiniens et irakiens. Une récente étude sur L’opinion publique musulmane sur la politique américaine montre que 76% des Marocains sont défavorables à la politique menée par l’actuel gouvernement américain.

Par Jawad KERDOUD

LE MATIN

Commentaires