Annajat : Abbas El Fassi trainé en justice

Pour les deux plaignants, le ministre de l’Emploi à l’époque avait tout fait, contre vents et marées, pour convaincre les Marocains du bien-fondé de la convention signée entre l’ANAPEC (Agence nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences) et la société Annajat. Ils rappellent, dans ce sens, les déclarations du ministre concerné devant le Parlement et lors d’une émission télévisée diffusée en direct sur 2M. Mais surtout les contrats d’embauche de 13 mois signés dans les locaux de l’ANAPEC dont les responsables savaient pertinemment que toute l’opération était un grand mensonge. Et que des dizaines de milliers de victimes ont été déjà délestés de leurs maigres avoirs dans au moins neuf pays, dont la Syrie, le Kenya ou encore la Jordanie et le Pakistan.

Selon un expert interrogé par ALM, la Cour d’appel de Rabat pourrait se déclarer incompétente pour traiter cette affaire ou juger irrecevable ladite plainte. Tout en affirmant que, dans des cas particuliers, un ministre peut être jugé sans se présenter devant le tribunal (s’il n’a pas l’autorisation du Conseil de gouvernement), un avocat précise que les deux plaignants auraient dû saisir la Cour suprême dont la chambre criminelle est la seule habilitée à juger un ministre vu que ce dernier, comme d’autres grands commis de l’Etat, bénéficie du privilège judiciaire. Il rappelle, dans ce sens, l’antécédent Abderrahmane Saïdi-Miloud Chaâbi.

L’affaire Annajat avait passionné les Marocains avant d’être source de toutes les déceptions. Malgré les mises en garde d’organismes professionnels internationaux dont la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), et les expériences d’autres pays dont les citoyens avaient été plumés grâce au procédé des visites médicales facturées au prix fort, Abbas El Fassi, ministre de tutelle de la jeune ANAPEC à l’époque (d’ailleurs truffée de militants istiqlaliens dès le début), avait tout fait pour rassurer. Il a apporté la garantie du gouvernement en permettant la signature de la convention du 18 février 2002 entre l’ANAPEC et la société Annajat. Un peu partout au Maroc, des dizaines de milliers de jeunes avaient afflué vers les locaux de la clinique Essalam à Casablanca pour des visites médicales et pour être surtout allégés de la bagatelle de 900 DH par rêveur d’être au service de créatures de rêve sur des croisières qui ne le sont pas moins.

La campagne électorale battait son plein pour les législatives de 2002. Dans la majorité des régions marocaines, les prétendues opportunités offertes par Annajat faisaient office d’argument électoral. Le 27 septembre 2002, le Parti de l’Istiqlal, dont le patron se présentait à Larache, engrangeait une partie des dividendes de ses promesses. La gifle, ce sera dans les trois jours qui suivront au moment où il avait été établi, de manière brutale, que les 30.000 jeunes sélectionnés-contrats en poche n’iront, ni ne travailleront nulle part. Pas de croisière pour eux, de la même manière qu’ils ne sauraient être embauchés dans les stations de ski de la Casamance.

Depuis, l’affaire Annajat hante le Parti de l’Istiqlal et son chef de file en premier lieu. Les appels à ce que ce dernier rende des comptes se multiplient. La patate chaude est refilée au gouvernement Jettou dont Abbas El Fassi fera partie d’ailleurs.

Depuis, les 60.000 victimes d’Annajat, les 30.000 sélectionnés par la clinique Essalam et les 30.000 autres floués renvoyés chez eux, n’ont cessé de multiplier les signes de protestation. Organisés au sein d’une association, avec des ramifications régionales et locales, ils demandaient, plus qu’une indemnisation, une véritable réparation : l’intégration dans la fonction publique, la priorité pour les contrats d’embauche à l’international… Mais aussi que les responsables de ce drame, national, il faut oser le dire, rendent des comptes.

Aujourd’hui, deux d’entre eux sautent le pas et saisissent la justice.

Mohamed Boudarham

Aujourdhui.ma

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