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L’enfant marqué à jamais par les violences familiales

En effet, le même rapport, qui définit cette violence comme une maltraitance physique, sexuelle ou mentale, note que le fait d’observer, entendre ou être conscient de la violence familiale peut avoir des conséquences sur le développement physique, affectif et social au cours de l’enfance mais également plus tard dans la vie.

Encore plus pointilleuse sur la question, Salwa Kjiri, psychiatre, insiste sur la définition du terme violence familiale.
«Il s’agit tout d’abord de distinguer la violence familiale de celle conjugale», dit-elle. «Dans le premier cas, l’enfant est directement victime de la violence qui sévit au domicile. Elle peut être verbale et ou physique. Dans le second cas, elle s’exprime au sein du couple, l’enfant est amené à la subir indirectement.

Dans les deux cas de figure, les répercutions psychologiques sur l’enfant peuvent être désastreuses sur son développement psychoaffectif et sur son avenir d’adolescent et d’adulte», ajoute-elle.

En effet, quand l’environnement familial, censé constituer un bouclier pour l’enfant contre les agressions extérieures, se transforme en territoire ennemi, ses liens affectifs avec les membres de la cellule familiale sont bouleversés.
«L’enfant grandit dans cette ambiance où la violence est un moyen d’échange souvent injustifié, qui est démesuré par rapport aux événements vécus qui suscitent cette violence. Il vit souvent cette violence dans l’incompréhension la plus totale, avec un sentiment de profonde injustice, accablé de culpabilité, en se demandant s’il y est pour quelque chose surtout face à la violence conjugale, torturé par un sentiment d’impuissance face à ces adultes qui ont mis ces règles en place», renchéri notre psychologue.

Jamal, un jeune homme de 21 ans, en connaît un long chapitre sur cette violence, lui, qui a vécu une enfance ponctuée de disputes houleuses entre ses parents. «Quand mon père revenait le soir complètement saoul, il déversait toute sa haine sur ma mère, sans raison valable. Il l’insultait, la traitait de tous les noms. Il lui arrivait même de la frapper. Et quand il en finissait avec elle, c’est vers mon frère et moi qu’il se tournait pour nous faire sentir qu’il regrettait que nous soyons venus au monde, en nous traitant de machine à broyer les sous.

A ses yeux, nous n’étions bons qu’à ça. Le divorce de mes parents, des années plus tard, n’a pas arrangé la situation. Nous avons continué, mon frère et moi, à vivre avec le sentiment d’être inutiles et sans valeur. Nous avions perdu confiance en le monde des adultes et avions peur de nous transformer nous-mêmes en monstres une fois grands», précise Jamal, actuellement en cure de psychothérapie.

Difficile pour un enfant qui a été victime, ou tout simplement témoin de violence familiale, d’avoir confiance en lui et de s’épanouir comme les autres bambins de son âge vivant dans des situations normales. En fait, quand ces êtres fragiles, échappent aux troubles psychiques, ils courent le risque de sombrer, cas extrêmes, dans la délinquance.

Né dans une famille aisée mais minée par des problèmes qui ne finissaient pas de lui pourrir l’existence. M.O a trouvé refuge dans la rue, une manière pour lui de retrouver la «paix», mais aussi de punir ses parents «indignes». «Il est vrai qu’il n’est pas facile de vivre en dehors du cadre familial. La rue est une véritable jungle, mais ici, au moins, je suis entouré de jeunes de mon âge qui me soutiennent et qui sont plus compréhensifs que mes propres parents.

Je voudrais qu’ils sachent que si j’en suis arrivé là, c’est par leur faute. J’espère qu’ils n’ont pas la conscience tranquille», affirme-t-il en larmes. D’après Fatna El Bouih, membre actif de l’Observatoire marocain des prisons et de l’association INSSAF : «La plupart des mineurs qui remplissent les prisons du Royaume sont victimes de violence familiale». Et d’ajouter : «Mais c’est dommage qu’il n’y ait pas suffisamment d’études et d’enquêtes qui procèdent à une étude qualitative de ce phénomène. Au niveau de l’Observatoire, nous nous penchons plus sur les antécédents de ces enfants que sur leurs origines».

Les traumatismes d’une enfance mal vécue sont d’autant plus marquants qu’ils sont difficiles à évacuer. Ils collent à la victime comme une peau de chagrin et sont parfois irréversibles. Certains chercheurs parlent même de «transmission transgénérationnelle». Cette graine de violence semée au fond de l’enfant, celui-ci la perpétue en faisant de même pour sa progéniture. Maltraité et violenté, il reproduit le même schéma sur ses propres enfants qui en font de même avec les leurs. C’est notamment le cas de Karim, cadre dans une grande société. Enfant, son père faisait subir à sa mère toute sorte d’humiliations et de sévices psychologiques.

Il a également été victime de sévices corporels. Aujourd’hui, à 32 ans, il est incapable d’avoir une vie normale. Il en fait voir de toutes les couleurs à sa fiancée. Son comportement avec elle avoisine celui de son père. Et pourtant, il n’a jamais cautionné ses agissements. «La violence qui sévit au sein de la famille est le reflet de celle de la société. Elle ne fait que la reproduire. Ces rapports difficiles existent à tous les niveaux et dans tous les lieux. Ils ne sont pas uniquement d’ordre économique, mais surtout culturel. Il est déplorable que la société n’ait pas pensé à instaurer un arsenal juridique pour protéger les enfants, victimes de violence familiale», constate Saadia Saadi, présidente de l’association «Al Amal».

Ce vide juridique a été officiellement souligné par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels qui a tenu, du 1er au 19 mai 2006, à Genève, sa 36e session et rendu publiques ses «observations finales» sur les rapports de Monaco, du Liechtenstein, du Canada, du Mexique et du Maroc. On peut lire dans ce rapport : «Le Comité reconnaît aussi les efforts du Maroc pour combattre la violence domestique, cependant, il note avec préoccupation que le Code pénal ne contient aucune disposition spécifique criminalisant et réprimant la violence familiale.»

Le Secrétariat d’Etat chargée de la Famille, de la Solidarité et de l’Action sociale, directement concerné par la protection des enfants, a décidé de se pencher sur ce problème après avoir constaté l’ampleur des lacunes qui y sévissent. Suite aux travaux des ateliers organisés depuis mai 2004, dans le cadre de l’élaboration du Plan d’Action national 2005-2015 «Pour un Maroc digne de ses enfants», notamment l’atelier tenu le 21 et 22 juillet 2005 relatif au «circuit de protection de l’enfant victime de violence». Les participants ont affirmé l’urgence et la nécessité de la mise en place des Unités de Protection de l’Enfance (UPE) en situation de danger à l’échelon national.

Le projet de création des (UPE) vient essentiellement pour combler les vides et contribuer à la codification du circuit de la protection des enfants en situation de violence. Il s’agit d’en créer dans toutes les communes urbaines et rurales. Dans un premier temps, l’exécution du projet sera effectuée dans quatre villes pilotes : Casablanca, Marrakech, Tanger et Fès. Une loi sur la Protection de l’enfance ainsi qu’un manuel de procédures sont en cours d’élaboration par des consultantes désignées à cet effet.

L’objectif ultime et immédiat du Secrétariat d’Etat étant de répondre aux besoins urgents des enfants en situation de violence et ce, en facilitant l’accès aux services sociaux de base nécessaires pour la protection des enfants en situation difficile, notamment ceux victimes de maltraitance, violence et abus sexuels.

Cette protection se fera en prenant en considération les étapes spécifiques d’une prise en charge intégrale et efficiente, surtout par l’accueil, l’écoute, le diagnostique, l’accompagnement médical, psychologique, juridique et enfin la réhabilitation et la réinsertion dans la famille ou dans une structure d’accueil provisoire.

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Rapport de l’UNICEF sur les enfants victimes de violence familiale

En se fondant sur des données mondiales tirées de l’étude du Secrétaire général des Nations unies sur la violence contre les enfants, le rapport estime que quelque 275 millions d’enfants sont actuellement exposés à la violence familiale dans le monde. Il s’agit là d’estimations prudentes.

Le fait que le phénomène soit souvent mal documenté et que certains pays ne disposent même pas de données sur le sujet, explique la difficulté de calculer plus précisément le nombre d’enfants affectés. «La violence familiale peut avoir des conséquences négatives durables sur les enfants, a affirmé la directrice générale de l’UNICEF, Ann M. Veneman, à New York. Il faut que les enfants puissent grandir dans un environnement stable, sûr et à l’abri de la violence».

The Body Shop International contribue à la lutte contre la violence familiale en lançant sa campagne Stop Violence in the Home (Halte à la violence au foyer), qui se concentre sur les victimes oubliées que sont les enfants. Dame Anita Roddick, fondatrice de The Body Shop a ajouté : «Notre rapport montre que les principales victimes de la violence sont souvent les enfants. La protection des enfants devrait être l’impératif absolu de tous ceux qui s’efforcent de mettre fin à la violence familiale. Nous demandons instamment à chacun et chacune de se mobiliser pour cette campagne mondiale».

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Violence familiale et échec scolaire

Selon Saâdia Serghini, secrétaire générale de l’Association nationale d’aide à l’élève en difficulté (Haitam), professeur de philosophie, activiste associative, créatrice et coordinatrice du Centre d’écoute Ibn Al Haitam, la majorité des élèves qui sont en difficulté scolaire ont généralement des problèmes au niveau de leurs familles.

Il s’agit d’élèves qui ne communiquent pas dans la famille ou qui sont carrément victimes de violence, qu’elle soit dirigée vers eux directement ou vers un autre membre de la famille. Ses répercussions sont plus ou moins importantes. Il peut être question d’un simple retard scolaire comme il peut s’agir d’abandon, de délinquance ou de déviance.

La spécialiste précise que ces enfants sont intelligents, extrêmement sensibles et ont toutes les chances de réussir leur cursus scolaire. Les résultats qu’ils ont par la suite ne correspondent pas à leur potentiel intellectuel.

Toujours selon Saâdia Serghini, les signes de la violence familiale se manifestent chez ces élèves par une peur excessive et par une susceptibilité exagérée. Ils ont mal dans leur peau, pleurent sans raison valable, sont tout le temps isolés et ont même des hallucinations. Ils ont du mal à communiquer avec leurs camarades.

Pour venir en aide à tous ces jeunes, l’Association nationale d’aide à l’élève en difficulté (Haitam) propose de les accompagner via un suivi psychologique et social. Bien entendu, il faudrait que les élèves et les parents donnent leur aval pour recevoir cette assistance.

Car si le psychologue peut parler avec l’élève, l’assistante sociale, elle, a besoin de contacter les membres de la famille pour bien faire son travail. Or, s’ils refusent, aucune loi ne les y oblige. De même qu’aucune législation ne protège ces enfants. «Ils sont considérés comme une» chose «qui n’a aucune valeur. Ils ne sont pas respectés. Les adultes décident à leur place», conclut Saâdia Serghini, indignée.

Kenza Alaoui
LE MATIN

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