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les limites d’un monopole

A l’origine de cette pénurie, explique-t-on auprès de la Cosumar, l’arrêt, en décembre dernier, des usines de Casablanca et de Khmis Zemamra pendant près de trois semaines pour des raisons d’entretien et de maintenance des machines. Et ce sont justement ces deux usines qui fournissent la quasi-totalité du sucre en morceaux écoulée sur le marché. Selon les responsables de la Cosumar, les machines ont redémarré et l’approvisionnement en sucre n’est plus qu’une question de temps.
Toujours est-il que la raison invoquée par la filiale de l’ONA n’est que la partie visible de l’iceberg. Le boycott de la betterave mené par les agriculteurs de la région du Tadla aura certainement des répercussions plus graves à moyen ou long termes. « Les prix d’achat de la betterave imposés par la Cosumar, qui a le monopole de la filière, ne laisse pas beaucoup de marge aux agriculteurs à l’issue de la campagne agricole, les poussant ainsi à changer de culture », souligne un militant syndical.
Les exploitants de la betterave estiment également que la Cosumar monopolise la filière du sucre sans pour autant la moderniser. Les installations de certaines usines qui produisent quotidiennement des milliers de tonnes de pains de sucre et de sucre en morceaux sont devenues obsolètes. Ces tensions entre la filiale de l’ONA et les agriculteurs n’arrangent pas la situation d’un secteur en lutte avec une conjoncture internationale défavorable.
Si le redémarrage des usines va apaiser quelque peu la tension autour du sucre, la flambée des prix à l’international risque d’aggraver la situation. Dernièrement, la flambée des cours du pétrole a propulsé les prix du sucre à leur plus haut niveau depuis 1981. En un an, les prix ont quasiment doublé.

La primature tranche
Avec la flambée spectaculaire des prix de ce produit sur le marché international, le système de tarification douanière est devenu inadapté. Face à cette situation, le Premier ministre Driss Jettou a vite tranché en prenant la décision de suspendre les équivalents tarifaires et les droits de douane pour l’importation du sucre brut. Une suspension qui vise à conserver le niveau du prix cible de 4.700 Dhs la tonne, quel que soit le cours sur le marché international. « L’objectif est de protéger la production nationale et d’assurer des revenus aux 80.000 familles d’agriculteurs qui vivent de ce produit. La superficie exploitée est de 90.000 ha plantés en betterave et canne à sucre », est-il indiqué du côté de la Primature. L’Etat, en n’augmentant pas le prix du sucre, devra donc supporter le poids de la hausse. Cette situation se répercutera sur le niveau de la contribution budgétaire pour le financement de la subvention du prix à la consommation du sucre local. La contribution de la Caisse de Compensation s’élèvera à 1,9 milliard de Dhs en 2006, contre 1 milliard l’année passée.
A travers cette mesure, les pouvoirs publics ont tenté d’éviter toute rupture d’approvisionnement du marché national et d’assurer la planification des achats sur le marché mondial. Le prix du sucre à l’international a frôlé les 500 dollars récemment contre moins de 220 dollars en moyenne en 2005. Avec ce niveau de prix, le dispositif tarifaire ne peut plus marcher.
Le procédé permettant de réguler le prix rendu raffinerie autour de 4.700 Dhs la tonne avec une valeur déclarée inférieure à 3.500 Dhs la tonne, ne sera plus valable. « Dans ce cas là, l’Etat devra rembourser à Cosumar près de 800 Dhs la tonne de sucre brut importé. Ce qui est interdit par la réglementation douanière », affirme la même source.
Suite à la pression de la filiale du groupe ONA, le gouvernement a fini par revoir la formule tarifaire et réadapter les barèmes douaniers dans l’objectif d’arriver au prix cible de 4.700 Dhs. Avant de prendre cette mesure, une commission avait examiné plusieurs scénari pour faire face à cette flambée des prix du sucre brut sur le marché mondial. Le premier visait à répercuter la hausse sur le consommateur, ce qui aurait été suicidaire après les multiples hausses survenues en 2006 (carburant, eau et bientôt l’électricité). Autre scénario, le maintien du système actuel tout en continuant à subventionner le sucre, ce qui aurait accru le risque de contrebande du sucre vers les pays limitrophes. Le gouvernement aurait ainsi subventionné l’exportation du sucre puisque les pays voisins (Tunisie et Algérie) ont augmenté leurs prix.

Privatisation ou cadeau ?
« Le sucre est l’exemple même de la complexité des relations agricoles », explique un expert. « D’un côté, les pouvoirs publics qui ont tout intérêt à défendre les agriculteurs, de l’autre, la Cosumar qui milite pour un maintien du régime préférentiel et les industriels agroalimentaires absorbent plus de 70% de la production et plaident constamment en faveur d’une baisse des prix ou de leur stagnation alors que les importateurs potentiels sollicitent l’ouverture des marchés ».
Rappelons que la consommation en sucre atteint 1,06 million de tonnes par an. 46% de ces quantités sont couvertes par la production des sucreries nationales. 54% proviennent des importations de sucre brut raffiné à Casablanca. Cosumar détient le monopole de la filière depuis le rachat de quatre sucreries publiques début août 2005. Il s’agit des entreprises Surac (Sucreries raffineries de canne), Sunabel (Groupe des sucreries de betterave du Gharb et du Loukkos), Suta (Sucreries raffineries du Tadla) et de Sucrafor (Sucreries raffineries de l’Oriental).
Un monopole que l’ONA s’est adjugé après une longue préparation. C’est en 1996 que les sucreries ont été mises dans le panier de la privatisation. Toujours est-il qu’elles n’ont pas trouvé preneur et pour cause, l’Etat n’a pas accompagné cette mesure par une libéralisation des prix, ce qui a refroidi l’ardeur des acquéreurs potentiels. « On a délibérément proposé aux acheteurs potentiels des sucreries plombées par des effectifs très lourds et subordonnées à un contrôle extrêmement contraignant de l’Etat qui réglemente un secteur fermé à la concurrence puisque l’importation du sucre était toujours soumise à des droits de douane. Il a suffi à l’ONA de patienter quelques années pour rafler à un prix très modeste des sucreries dont personne ne voulait », explique un observateur. « Les 137 millions de dirhams décaissés pour acheter les usines de Oulad Ayed, Souk Sebt et Béni Mellal ne correspondent même pas au prix du foncier de ces trois unités », ajoute cette même source.

Lejournal.

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