Quand le Melhoun s’ouvre au monde

Pour expliquer ses motivations, l’auteur affirme «qu’à vrai dire, et pour être tout à fait sincère, l’idée de la traduction m’est venue lorsque, dans un roman encore inédit, je voulus faire témoigner devant la cour jugeant le temps, un personnage anodin, Dame Bougie. Je ne pouvais que me référer à la fameuse Echamâa” de Mohamed Chérif Ben Ali, chantée notamment par Jil Jilala. Et ce fut une véritable découverte !»

C’était pour lui une porte qu’il a franchie pour découvrir un monde aussi curieux que passionnant. Une sorte de plongeon dans cette culture que tout le monde au Maroc revendique comme sienne, et dont peu de gens arrivent à réaliser la portée au niveau de l’ancrage d’une identité en mal d’affirmation.

A ce titre, Fouad Guessous s’insurge contre l’ignorance de notre patrimoine en termes sans équivoque : «Comment, un Mohamed Benslimane, qui n’a vécu que trente trois printemps au XVIIIe siècle, peut-il être ignoré de ses concitoyens, mais surtout des lauréats de nos Facultés ! Comment se fait-il que nos étudiants en lettres n’aient pas fait de thèses sur Sidi Kaddour El Alami, Jilali Mthired, Ennejjar ou Elghrabli et bien d’autres poètes de renom ?»

D’ailleurs, en dehors de la mémorisation orale, cet art marocain n’a fait l’objet que de rares ouvrages ayant pour objectif de le conserver et de le valoriser en tant que patrimoine inestimable. A l’exception de «Maâlamat Al Melhoun» de Mohamed El Fassi dont deux tomes parmi plus de six ont jusqu’ici été publiés (1997), une étude de Abbas Jirari «Al Quacida, Al Zajal fi Al-Maghrib» publiée en 1974, et un ouvrage de Ahmed Amine Dilai «Guide bibliographique du Melhoun du Maghreb» publié en 1996 (L’Harmattan), la bibliographie autour de ce sujet demeure bien maigre.

En dépit de ces efforts et des enregistrements faits par le ministère de la Culture vers le début des années 1990, beaucoup reste à faire pour redonner sa place à cet aspect de la civilisation qui gagnerait à être porté comme un fleuron de notre identité, trouvant ses racines dans l’histoire et pouvant jusqu’à présent être porteur de sens pour les générations actuelles et futures.

Fouad Guessous ne s’arrête pas uniquement à l’acte de traduire, mais se fait l’avocat de ce genre littéraire. Pour lui rien n’empêche l’idée de l’intégrer dans les programmes scolaire. Il matraque avec beaucoup d’insistance : «…Que dorénavant, le texte de Echamâa soit étudié dans les écoles, dès l’âge de la réflexion, et que cet effort soit généralisé aux autres chefs-d’œuvre dont nous ignorons les richesses et les bienfaits, de la rhétorique, de la poésie et de bien d’autres choses.

Nous semblons galvanisés sur les richesses venues d’ailleurs, je ne conteste pas le bien-fondé de cette démarche, mais enfin, nous avons un trésor d’une richesse inouïe, et il est de notre devoir, envers ces hommes qui les ont conçus, envers nous-mêmes et envers notre progéniture, de les perpétuer en les vulgarisant, à l’école et partout !»

Coffret de quatre tomes disponible à la librairie Carrefour des livres, Maârif. Casablanca.

Mustapha Bourakkadi

LE MATIN

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