Pleins feux sur les courts-métrages !

Kamal Belghami est heureux. Le 5 juillet, il présentera en avant-première ses trois premiers courts-métrages au Megarama de Casablanca : « Good bye Khadija », « Au murmure de la fontaine », « Le fils de la vague ». Ils seront à l’affiche aux côtés des grands succès du moment durant toute la période estivale. Un événement à marquer d’une pierre blanche : c’est la première fois de son histoire que le cinéplexe casawi projette des courts-métrages marocains en première partie de ses séances. Le directeur David Frauciel s’explique : « Kamal Belghami est venu me voir avec ses trois films. J’ai apprécié son travail car l’esprit est très positif ».

Laisser parler les images, c’est le parti pris de Belghami. Dans « Good Bye Khadija », l’ancien gérant des studios Atlas à Ouarzazate plonge dans les splendeurs de la ville et de ses décors de cinéma pour évoquer le destin d’une jolie berbère de seize ans. Figurante dans quelques superproductions étrangères, Khadija rêve d’une vie de comédienne à mille lieues de l’atelier d’artisanat de Marrakech que lui destine sa mère… David Frauciel avoue avoir été séduit par la thématique : « Les gens en ont marre des films tragiques sur l’immigration et sur les années de plomb. Ils veulent autre chose ». Le directeur du Megarama en veut pour preuve le succès de « Bandit » de Saïd Naciri : « C’est le seul film marocain qui ait marché depuis trois ans ».

Aujourd’hui patron de « Sandline production », Kamal Belghami réalise un vieux rêve : « Je voulais être réalisateur ». Ces trois courts-métrages sont ses premiers et peut-être pas les derniers. Il a aussi dans l’idée de réaliser un long-métrage mais ce n’est pas pour tout de suite. Dans ses films, Belghami explore le Maroc d’aujourd’hui à travers des personnages en proie aux difficultés, mais sans jamais sombrer dans le fatalisme ou le misérabilisme. A l’instar du « Fils de la vague », un court-métrage de 17 minutes autour de Jamal, fils d’un pêcheur d’Essaouira qui ne vit que pour le surf. La veille du jour « J », celui du grand concours censé le propulser sur le devant de la scène nationale et internationale, une catastrophe fait basculer sa vie. Exit les rêves de gloire : le surf et l’école ne sont plus dans ses moyens. Grâce au soutien de Kenza l’enseignante, il évite le naufrage social et humain. « Le fils de la vague » est un film résolument optimiste et humain.

Ambiance morose

Dans le milieu du cinéma, Kemal Belghami fait figure de privilégié : il compte désormais parmi les rares réalisateurs de courts-métrages à être parvenu à diffuser ses films en dehors du traditionnel circuit des festivals et des ciné-clubs. En cause, l’attitude des distributeurs. « Ils sont réticents à l’idée de diffuser des courts-métrages car la loi les obligerait à payer les producteurs », explique le cinéaste Saâd Chraïbi avant d’ajouter : « Pourtant, on n’a jamais vu un producteur demander des droits après la projection d’un court-métrage ». David Frauciel se contente, quant à lui, d’évoquer des contraintes plus techniques : « Les long-métrages sont de plus en plus longs, ce qui nous laisse moins de temps pour diffuser un court. Et on ne peut pas se permettre de supprimer des publicités ou même des séances pour les projeter ». C’est la raison pour laquelle les courts-métrages de Belghami seront projetés en première partie des films qui n’excèdent pas deux heures. « L’idéal pour nous, ce sont des courts-métrages de vingt minutes maximum », précise David Frauciel.

Dans la profession, la nouvelle de la projection des courts-métrages de Belghami est accueillie avec un enthousiasme mitigé. Si l’on se félicite de l’initiative du Megarama, on n’est pas forcément convaincu que l’expérience sera renouvelée, ni même que d’autres distributeurs suivront l’exemple. L’ambiance est même plutôt morose : rien qu’en un an, entre 40 et 50 courts-métrages ont été produits. Un chiffre qui aurait dû réjouir les plus mécontents. Il n’en est rien. Tous ont été produits par des sociétés de prestation de service spécialisées dans la production de films étrangers. « Pendant trois ans, ces sociétés n’ont rien produit. Si elles l’ont fait cette année, c’est pour obtenir le renouvellement de leur agrément auprès du Centre Cinématographique Marocain conformément aux dispositions fixées par la loi », confie le cinéaste Saâd Chraïbi. Depuis 1999, ces sociétés sont en effet tenues de produire un long-métrage ou trois courts pour obtenir l’autorisation d’exercer. Une initiative destinée à l’origine, à encourager la création cinématographique marocaine. Saâd Chraïbi affirme cependant que les patrons de ces sociétés n’ont pas le souci du développement du cinéma. Il leur reproche d’être allés au plus facile en tournant trois courts-métrages au lieu d’un long-métrage comme le rend possible la loi et ce, pour des raisons de coût évidentes. « Un court-métrage coûte cinq fois moins cher qu’un long », explique-t-il. Mais ce qui le dérange le plus, c’est le fait qu’ils aient choisi de jeunes réalisateurs au hasard sans se soucier de la qualité de leur travail. « Certaines sociétés ont même tourné trois courts-métrages en cinq jours, ce n’est absolument pas professionnel », ajoute-t-il.

Accès au Fonds d’aide

Kamal Belghami est, avec Mohamed Miftah et Jamal Souissi, l’un des trois patrons de sociétés à avoir réalisé lui-même les trois courts-métrages réglementaires. Une situation qui fait bondir le réalisateur Fouad Souiba : « Ce n’est pas normal car la production de trois courts-métrages permet d’obtenir la carte de réalisateur et par conséquent, de prétendre au Fonds d’Aide à la Production Cinématographique du C.C.M. ». Or, cette année, sur les trois réalisateurs de courts-métrages ayant bénéficié d’une avance de 200.000 Dhs après production, il y a Kamal Belghami et Mohamed Miftah. De là à dire que le C.C.M finance l’obtention des agréments des sociétés de prestation de services spécialisées dans la production de films étrangers, il n’y a qu’un pas qu’on serait bien tenté de franchir… Kamal Belghami reconnaît d’ailleurs avoir tourné ces courts-métrages pour obtenir l’agrément de « Sandline production ». Mais qu’importe, il est bien décidé à percer dans le métier. Il a d’ailleurs fait traduire ses films tournés en berbère, en anglais, français et arabe, prouvant ainsi une réelle volonté de sa part d’en faire la promotion.

source:hebdo

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